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ont expérimenté un canon imité du système suédois du comte Wahrendorf, les Prussiens se taisent maintenant, et il est très accrédité aujourd’hui qu’après s’être laissé éblouir un jour, ils ont eu ensuite un désillusionnement continu, à ce point qu’ils auraient provisoirement renoncé à la construction des pièces dont ils avaient déjà distribué quelques exemplaires dans les régimens. L’Italie est très partagée sur le mérite des canons que le général Cavalli a employés au siège de Gaëte, et quant à la Russie enfin, elle n’a encore rien permis de savoir relativement à ses études sur une question qui la préoccupe, on peut en être certain, autant qu’aucune autre puissance.

À quelque point de vue que nous nous placions, nous nous croyons donc en résumé très fondé à croire que nos frégates cuirassées, pour ne parler que de celles qui sont armées des deux parts, valent bien celles des Anglais, et que, pour s’en tenir à l’artillerie, il n’est pas trop présomptueux de réclamer en notre faveur la supériorité. Après toutes les espérances qu’on avait conçues de l’autre côté du détroit, après les vanteries que l’on s’est permises, il est cruel pour l’orgueil de nos voisins de ne pas obtenir de meilleurs résultats, et il est possible que leur mauvaise humeur cherche cette fois encore à se déverser sur nous ; mais, de bonne foi, à qui devaient-ils s’en prendre ? Au lieu de nous en vouloir pour avoir fait mieux qu’eux, ne serait-il pas cent fois plus équitable et plus sage de commencer par faire leur examen de conscience, et par se demander s’ils ne s’étaient pas volontairement placés dans des circonstances où il leur était impossible de faire aussi bien que nous ?

L’artillerie s’appelle, en Angleterre comme ailleurs, une arme savante ; mais, que les Anglais nous permettent de le dire, en employant une expression qui leur est familière, c’était, jusqu’aux réformes introduites dans l’armée après la guerre d’Orient, c’était une désignation de courtoisie. Jusqu’à ces dernières années, les officiers d’artillerie en Angleterre se recrutaient exclusivement parmi les élèves de l’académie de Woolwich, où l’admission s’obtenait, non par voie de concours, mais par la faveur du grand-maître de l’artillerie. C’étaient des adolescens de quinze à seize ans, appartenant en général à des familles de la bourgeoisie qui, n’étant pas assez riches pour acheter des grades dans l’armée, ou ne se sentant pas assez de crédit pour espérer de faire fortune dans la cavalerie ou dans l’infanterie, cherchaient à entrer de préférence dans un corps où les brevets ne s’achètent pas et où l’avancement se règle uniquement sur les droits de l’ancienneté. Pour entrer à Woolwich, on ne leur demandait comme garantie de capacité qu’un examen dont le programme était des plus modestes, et comme les examinateurs, en