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tout récemment par un acte qui montre son peu de confiance dans la grosse artillerie de sir William Armstrong. Elle a refusé les pièces dites de 100 pour l’armement du Warrior. Tandis que la Gloire est armée de pièces rayées et qui se chargent par la culasse, le Warrior ne porte dans sa batterie que des canons de 68 de l’ancien modèle à âme lisse[1]. Ce fait n’est-il pas à lui seul plus éloquent que tout ce que nous pourrions dire ?

Il faut ajouter cependant, pour compléter ce que l’on sait des travaux de sir William Armstrong, qu’il a construit récemment des canons rayés se chargeant par la bouche, le gros canon de 12 tonnes et du calibre de 156 dont nous avons parlé plus haut. Nous connaissons le fait de la construction de pièces rayées se chargeant par la bouche, mais nous avouons notre ignorance des résultats qu’elles ont produits et même des données sur lesquelles elles ont été construites. Devons-nous regarder l’existence de ces pièces, qu’il serait si utile pour les gros calibres de pouvoir charger par la culasse, comme l’aveu implicite qu’aucun des procédés d’obturation imaginés par sir William Armstrong n’a encore réussi au gré de l’inventeur ? Et que faut-il conclure de la construction d’une pièce à âme lisse et lançant des boulets sphériques, c’est-à-dire appartenant aux systèmes que l’on croyait relégués dans le passé par suite de l’existence de l’artillerie rayée ? Cela pourrait autoriser bien des suppositions peu charitables que nous ne tenons pas à faire ressortir.

Quant aux autres puissances, qui ne s’occupent sans doute pas moins que nous de l’artillerie rayée, il nous serait bien difficile de dire où elles en sont de leurs travaux. Le secret en a été si bien gardé qu’il n’en a rien transpiré jusqu’à nous. Nous savons que les Espagnols se sont dits très satisfaits des pièces rayées qu’ils ont menées au Maroc ; nous avons entendu le ministre de la guerre de Belgique, M. le général baron de Chazal, affirmer en congrès que la Belgique possédait la meilleure arme du genre qui soit au monde : en dehors de cela, nous ne connaissons que des détails insignifians et qui ne suffisent pas pour nous permettre d’avoir ou d’exprimer une opinion, L’Autriche travaille, dit-on, avec beaucoup d’ardeur sur le canon qu’elle nous a pris à Magenta ; mais elle n’a rien fait savoir du point où ses officiers, qui comptent parmi les plus capables, seraient parvenus. Les Prussiens, qui avaient commencé, il y a deux ans, à faire quelque bruit des expériences de Juliers, où ils

  1. Nous sera-t-il permis d’ajouter que des expériences faites avec beaucoup de soin au polygone de Vincennes, et avec ces mêmes canons de 68, ont eu pour résultat de prouver que cette artillerie était impuissante à percer, à la distance de 100 mètres, les plaques de 12 centimètres d’épaisseur que nos nouveaux canons rayés et chargés par la culasse percent à 1,000 mètres de distance ?