Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 39.djvu/933

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Absent depuis quatre mois de Livourne, je trouvai à mon retour la situation politique assez tendue. Les paroles que Napoléon III avait adressées au ministre d’Autriche à la réception du 1er janvier 1859 avaient ranimé les espérances des Italiens. On parlait à Florence de reprendre au théâtre les tragédies politiques de Niccolini, pleines d’allusions à l’histoire de Toscane. Le cri à double sens de Viva Verdi ! devenait partout un signe de ralliement. Je compris que la guerre se préparait. Les études que je voulais poursuivre en Italie demandaient un état de calme et de tranquillité que rien ne me faisait prévoir. Je fis donc mes adieux, bien malgré moi, à ce beau pays. En moins d’une nuit, un petit pyroscaphe toscan, une vraie coquille de noix, me porta de Livourne à Gênes. J’arrivai à Turin dans la soirée du 14 janvier, et trouvai toute la ville en grand émoi par suite de la venue du prince Napoléon. N’ayant point à prendre part à ces fêtes, je continuai ma route par le Mont-Cenis, traversant les Alpes neigeuses par la plus belle nuit d’hiver. Je repris bientôt le chemin de fer en Savoie, et de là jusqu’à Paris, où je trouvai peu de croyance à la guerre. Les événemens nous ont dit depuis qui avait alors raison des Français ou des Italiens.

La Toscane, dont les récits qu’on vient de lire font connaître un des districts les plus curieux, n’est pas seulement, on le voit, un pays agricole, le Jardin de l’Italie comme on l’a nommée avec tant de raison ; c’est aussi une contrée industrielle, et si elle a brillé, à l’aurore des temps modernes, d’un si vif éclat dans les beaux-arts et les belles-lettres, elle peut aujourd’hui voir s’ouvrir pour elle, bien que d’une autre façon, une seconde époque de renaissance. Qu’elle entre résolument dans la voie où semblent la pousser de nouveau quelques-unes des traditions de son passé. Le XIXe siècle a inauguré l’ère de l’industrie. Parmi toutes les contrées de la péninsule, l’Étrurie est celle qui peut le mieux donner l’exemple et entraîner à sa suite toutes les autres vers le but que M. de Cavour, en mourant, a indiqué à ses compatriotes. Si l’Italie veut sérieusement se régénérer, si elle veut que l’unité se fasse, qu’elle oublie ses vieilles haines, qu’elle se tourne vers les points d’où peut lui venir la lumière, vers les pacifiques travaux qui développent le commerce ; qu’elle apprenne, par l’exemple de l’Angleterre, ce que peut gagner une nation à être grande par l’industrie.


LOUIS SIMONIN.