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Les bijoux en or, les vases en terre, les armes et divers autres objets en bronze du musée de Volterra sont plus remarquables, et il y a surtout certaines chaînes en filigrane d’un travail si exquis et si net qu’elles excitent bien des envies chez tous les visiteurs ; mais qu’est-ce que tout cela en comparaison des objets d’art déposés dans les musées étrusques de Rome et de Florence et provenant des fouilles de Caeré, Corneto (l’ancienne cité des Tarquins), Pérouse, Vulci, Veies, Chiusi, Arezzo, Cortone ? Qu’est-ce que tout cela encore vis-à-vis de ce que nous offre le musée Campana ?

Ruggiero, non content de me montrer tous les trésors étrusques de Volterra, me fit aussi parcourir la ville. La cathédrale, qui date du XIIe siècle ; le baptistère de forme octogone élevé sur le plan d’un temple romain, double analogie qu’il possède avec celui de Florence ; les églises de San-Francesco et de San-Lino, le couvent des Camaldules, attirèrent successivement mon attention. Partout je rencontrai des tableaux des maîtres de la grande école italienne, et je fus étonné de tant de richesses accumulées. Les chefs-d’œuvre étaient prudemment recouverts d’un rideau, et il fallait partout payer pour faire tirer la ficelle, comme il est d’usage en Italie. Ruggiero, qui exerçait consciencieusement ses fonctions de cicérone, ne pouvait concevoir une telle manœuvre pratiquée par les curés eux-mêmes et non par leurs bedeaux.

Après les églises, je visitai le palais public, ancienne résidence du consul quand Volterra était une cité indépendante ; puis mon guide me montra la maison où il prétendait qu’était ne Perse le satirique, et enfin la demeure de Daniel Ricciarrieli, dit de Volterra, que ses descendans occupent encore. Elle renferme une belle fresque de ce célèbre peintre. Ruggiero ne me fit pas grâce de la citadelle, jadis prison d’état. C’est le fameux aventurier français, Gauthier, duc d’Athènes, un moment maître de Florence en 1342, qui en jeta les fondemens. Cosme III y fit enfermer, sur d’injustes soupçons, l’infortuné Lorenzini, qui resta onze années enchaîné dans son cachot. Il y composa un traité des sections coniques, dont le manuscrit est déposé à la bibliothèque Magliabecchiana de Florence. La citadelle de Volterra contient aujourd’hui une prison cellulaire, bâtie sur le modèle de celle de Mazas. C’est là qu’on enfermait aussi, du temps de l’ancien grand-duc, les condamnés à perpétuité, ceux que la peine de mort, abolie dans le grand-duché, n’avait pu atteindre. De la citadelle, j’allai donner un coup d’œil à une piscine et à des thermes romains, puis aux balze, immense éboulement de terre qui s’est produit au XVIIe siècle, et qui depuis lors gagne tous les jours. Il entraîne peu à peu dans la vallée adjacente la partie nord de la montagne d’argile sur laquelle est bâtie Volterra.

C’est sur le flanc de cet abîme que Ruggiero m’annonça piteusement