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le monde connaît. On sait combien cette matière est tendre et reçoit facilement l’impression du ciseau. Ce n’est d’ailleurs que de la pierre à plâtre cristallisée, de même composition chimique que celle qu’on retire des buttes de Montmartre. L’albâtre de Volterra est souvent translucide ; d’autres fois il imite le marbre. Parmi les plus belles variétés, on cite le giallo, rappelant le beau marbre jaune de Sienne, et le fiorito, de même apparence que les marbres gris veinés de Carrare. Il y a aussi l’albâtre blanc compacte, ressemblant au marbre statuaire.

Les Volterrans ont une habileté toute particulière pour travailler l’albâtre ; il est même probable que cette industrie s’est transmise de père en fils et de temps immémorial dans cette antique cité. Les Étrusques, fondateurs de Volterra, ont brillamment ouvert le chemin où les ont suivis tous leurs successeurs. Ceux-ci les ont même surpassés, et les artistes modernes font preuve d’un goût exquis dans leurs dessins et leurs compositions. Ils sont en cela restés Italiens, et chacun d’eux étale avec un juste orgueil ce qu’il appelle son museo, c’est-à-dire la collection de ses œuvres, aux regards des visiteurs. Des familles d’artistes volterrans exercent sur une très grande échelle l’industrie du travail de l’albâtre, et pendant que le chef exploite les carrières et sculpte la pierre au logis, il n’est pas rare de voir les fils faire leur tour du monde pour débiter les chefs-d’œuvre paternels. L’Inde et les deux Amériques raffolent de ces produits, et l’on cite des marchands de Volterra qui sont revenus chez eux de ces lointaines contrées avec plusieurs millions. Dans les établissemens d’eaux minérales des Pyrénées, on vend aussi au poids de l’or aux crédules baigneurs des objets en albâtre de Volterra, comme étant faits avec des marbres pyrénéens. J’ai amené un vendeur de Bagnères-de-Luchon à me faire cette confidence, et j’ai vu aussi à Naples de naïfs touristes acheter des coupes en serpentine de Toscane, les croyant, sur la foi du marchand, en lave du Vésuve. Que de choses qui ne s’achètent que pour l’étiquette qu’elles portent !

Je rencontrai à Volterra un cicérone quelque peu antiquaire, le signor Ruggiero, qui me fit visiter la ville. Nous nous rendîmes aux murs cyclopéens, qui avaient plus de douze kilomètres de tour, lorsque l’enceinte était continue ; c’est au moins trois fois le développement des murs modernes. De là nous visitâmes la porte romaine, dite porte de l’Arc ou d’Hercule et ouverte sur un pan des vieux murs. Ruggiero me la donna comme une porte étrusque ; mais à l’arc en plein cintre et aux voussoirs nettement taillés je ne pus me faire illusion. Les portes des villes1 étrusques, dont aucune n’a été, que je sache, trouvée debout, devaient ressembler aux pylônes égyptiens, essentiellement composés de deux pieds-droits