Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 39.djvu/917

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

économiques fâcheuses qui accélérèrent la ruine des exploitations. À peine les croisades eurent-elles cessé, qu’un abaissement subit frappa en Europe le cours des métaux, et l’extension que prirent à cette époque les mines allemandes, surtout celles d’argent, eut aussi quelque influence sur cette dépréciation. L’argent, obtenu tout à coup en quantité considérable et sans grandes difficultés métallurgiques, éprouva une diminution énorme, qui réagit sur les mines toscanes. Ainsi l’évêque de Volterra, qui percevait à Montieri une redevance d’une corbeille de minerai sur quatre, dut se contenter désormais de la moitié. Le mal alla empirant, et des 1355 l’évêque ne pouvait plus payer la dime à l’empereur d’Allemagne, parce que, disait-il dans sa lettre de doléances, les mines, depuis quelques années, ne donnaient plus aucun bénéfice et étaient presque devenues stériles. Charles IV s’inclina devant les justes raisons qui avaient rendu les gîtes improductifs, et libéra l’évêque de la dîme, prenant en considération, comme on peut le lire dans sa réponse, autant les longues guerres, les pestes et les famines dont avaient souffert ces contrées, que les violences d’aventuriers voisins qui avaient brutalement occupé une partie des terres de l’évêque.

À l’abaissement du prix des métaux, et surtout de l’argent, du cuivre et du plomb, il faut joindre, comme une autre cause de ruine, le taux élevé de l’intérêt. L’argent se prêtait alors à Florence et à Sienne à 25 et même 30 pour 100. La main-d’œuvre aussi avait doublé de prix par suite des calamités publiques. Enfin des crises commerciales d’une gravité dont l’histoire n’a plus offert d’exemple, et auxquelles on devait s’attendre, éclatent coup sur coup[1]. Les Bardi, cette puissante maison de Florence qui a laissé son nom à l’une des rues de la ville où se trouvaient ses nombreux bureaux, et en même temps que les Bardi les plus riches banquiers de Toscane, unis à eux par les liens du sang et des affaires, les Scali, les Peruzzi, les Acciajuoli et tant d’autres, font, entre les années 1330-50, une faillite successive de près de cent millions de notre monnaie actuelle. Il n’en a pas fallu autant en 1857 pour amener une crise financière qui dure encore et paralyse toujours l’industrie.

Tant de misères réunies eurent un terme ; mais au moment où la Toscane sortait de la période si malheureuse qu’elle venait de traverser et songeait à réparer ses pertes, arriva la découverte de l’Amérique. Ce grand événement, qui ouvre d’une manière si glorieuse le cycle des temps modernes, tourna d’un autre côté les investigations des exploitans de mines, et fit encore baisser sur les différentes places de l’Europe la valeur de l’argent. Les troubles

  1. Voyez le remarquable ouvrage de M. Ulrich, Condizioni economiche dell’ industria mineralogica in Toscana durante il medio evo ; Livorno, 1847.