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la Pia de’ Tolomei, dont le sort infortuné a inspiré plus d’un poète italien et arraché à la Ristori quelques-uns de ses plus pathétiques accens. Me trouvant près du féodal manoir où s’était dénouée si tristement l’aventure de la Pia, je ne manquai pas l’occasion d’aller visiter ces poétiques et pittoresques ruines. N’était-ce pas une occasion heureuse, qui semblait comme à souhait m’être offerte, de faire diversion aux études d’un autre ordre auxquelles je venais de me livrer ? Sur la cime d’un piton isolé, qu’une éruption de quartz métallifère a soulevé à une hauteur de plus de 100 mètres, s’élèvent les restes du château de Pietra. Ils dominent la plaine environnante, et le voyageur qui parcourt cette partie désolée de la Maremme les aperçoit de plusieurs lieues. Je gravis la pente un peu raide qui conduit au château ; j’interrogeai ces ruines muettes. Quelques lézards se chauffant au soleil, une bande de rats qui avaient paisiblement installé leurs pénates dans les caves et les souterrains, étaient les seuls hôtes de cette antique demeure. Les arbres étendaient leurs racines au pied des murs, où s’accrochait le lierre. Les pierres tombaient une à une les plus grosses roulant jusqu’au milieu de la montagne. Un jeune garçon, échappé d’une ferme voisine, s’était attaché à mes pas, me suivant d’un œil curieux. Il était prêt à me raconter la sombre histoire de la Pia, que la tradition a conservée vivante dans la Maremme, et laissa tomber lentement ces paroles de Dante :

Ricorditi di me, che son la Pia,
Siena mi fe, disfecemi Maremma…

Ces beaux vers, si à propos rappelés, valaient bien une bonne-main. Le teint pâle et maladif de l’enfant, miné par la fièvre, donnait un charme de plus à sa citation, et pendant qu’il rapportait à sa mère la pièce de monnaie qu’il venait de recevoir, je redescendis lentement la butte élevée de Pietra, rêvant à Dante et à la Pia.


III. — LES ENVIRONS DE MASSE. — MONTIERI.

Les distractions que je trouvais à Massa en dehors de mes études d’archéologie minérale ne m’offraient pas de tels attraits que je dusse vivement regretter le séjour de cette ville. Le Maremman (tel est le nom de l’habitant de ces contrées) est de sa nature grossier. Alors qu’à Sienne et à Florence on rencontre des gens très empressés de vous servir, peuple d’arlequins et de facchini, si l’on veut, mais peuple agréable et plein de verve, on ne trouve dans la Maremme qu’une population d’Italiens rudes et égoïstes, vivant pour eux-mêmes et soigneusement cloîtrés dans leurs impénétrables demeures. Le Maremman, quel qu’il soit, est toujours d’une politesse