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aux guerres intestines de cette époque. Elle eut à résister aux nombreuses attaques des républiques voisines, Volterra, Pise et Sienne, jalouses de sa prospérité. Elle se défendit vaillamment ; mais enfin, vaincue par le nombre, elle fut conquise par Sienne, qui avait déjà soumis Volterra, comme elle-même devait enfin être subjuguée par Florence.

La cité massétane comptait dès l’an 1200 plus de vingt mille habitans dans ses murs ; elle était alors, comme elle l’est aujourd’hui encore, le siège d’un évêché. Elle avait un hôtel des monnaies, et, puissante par l’exploitation du fer, du cuivre, du plomb et de l’argent, aussi bien que par celle du soufre et de l’alun, elle l’était aussi par son commerce. Les relations de ses marchands s’étendaient au loin, et ils envoyaient jusque sur les places d’Allemagne et celles des Pays-Bas, Anvers notamment, les produits de leurs usines métallurgiques. Le prix du cuivre de Toscane réglait même le cours des marchés. Massa eut aussi la gloire de fournir des mineurs à divers souverains, et en 1326 elle en envoyait jusqu’à cent à la fois au duc Charles de Calabre, fils du roi de Naples, Robert le Sage. Ce n’est pas que le duc eût des mines à exploiter ; mais, engagé dans une longue guerre, il avait des retranchemens à ouvrir et des forteresses à détruire, et pour cela il avait demandé cent mineurs à la république massétane.

Je rencontrai à Massa un vieil ingénieur autrichien, le vénérable M. Rovis, que les fièvres paludéennes ont depuis peu enlevé à la science et à ses amis. Il me fit un accueil tout paternel, me donna nombre de détails curieux sur les anciennes mines de Toscane, et, malgré ses quatre-vingts ans, m’accompagna lui-même dans celles dont il avait repris l’exploitation après cinq siècles d’intervalle. Peu communicatif, comme la plupart des Allemands, M. Rovis vivait solitaire ; il passait auprès des crédules habitans de la Maremme pour une espèce de magicien. Chacun se rappelait l’avoir vu arriver à Massa trente ans auparavant, et depuis lors il paraissait toujours avoir le même âge. On se disait tout bas qu’il avait été officier du génie en Autriche et exilé en Italie pour des motifs restés secrets. Complètement indifférent à ce qu’on pouvait penser de lui, M. Rovis s’entourait de paperasses, étudiant avec le soin jaloux d’un antiquaire les anciennes mines du territoire massétan. Il essayait d’en retrouver les plus célèbres, et prétendait avoir mis la main sur celle de la Regina, qui fit vers l’an 1294 la fortune de l’évêque de Massa, auquel la commune l’avait inutilement disputée. Quelques ouvriers de ses mines approchaient seuls le vieil ingénieur ; il voulut bien sortir pour moi de son silence habituel et de son mystérieux mutisme, et plus d’une fois nous partîmes le matin à cheval pour aller visiter ses usines, et ne rentrer que le soir à la ville. Le prudent