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elle n’offre pas assez de facilités à la libre circulation de l’air, et l’état hygrométrique de l’atmosphère augmente encore l’insalubrité de ce triste séjour, car le scorbut y fait ses ravages ; c’est le seul lieu où cette épidémie ait été observée dans la Maremme. Enfin, comme si ce n’était point assez, le choléra est venu à différens intervalles porter l’épouvante au milieu de la population des mineurs, déjà si malheureusement décimée.

Trop fatigué pour continuer ma route, je m’arrêtai à Monte-Bamboli. Je demandai l’hospitalité au directeur de la mine, un Français, M. de Mailland, qui me reçut de la façon la plus cordiale. L’ingénieur, également un compatriote, me fit visiter tous les travaux, et nous parcourûmes une à une les différentes galeries souterraines de cette curieuse exploitation. Les mineurs, engagés deux mois à l’avance, étaient descendus de leurs montagnes neigeuses et arrivés presque tous à leur poste. Pendant que les uns abattaient la houille dans les nouveaux chantiers, d’autres réparaient les vieilles galeries qui avaient souffert pendant la suspension des travaux. Les ouvriers ont à lutter contre assez d’ennuis à la surface ; à l’intérieur, comme pour établir une compensation, ils se trouvent heureusement préservés des trois ennemis du mineur, les éboulemens, les eaux et le gaz inflammable, qui, dans d’autres mines de houille, font chaque année tant de victimes. À Monte-Bamboli au contraire, le terrain est assez solide pour se soutenir de lui-même ou au moyen de quelques étais-, les eaux intérieures sont peu abondantes et ne proviennent que de quelques infiltrations de la surface ; enfin le grisou ne s’est jamais rencontré, et le charbon n’est pas sujet à s’allumer spontanément, comme dans certaines houillères.

Vaste nécropole d’animaux antédiluviens, ce gîte carbonifère renferme entre les feuillets de ses couches de schiste et de houille des restes d’ossemens fossiles. D’énormes pachydermes, dont les races se sont depuis éteintes, — les anthracothériums, les hippothériums, — vivaient en nombre dans ces parages à l’époque où se forma ce terrain, il y a des milliers de siècles. Leurs débris, restés sur place, ont fait la joie des géologues pisans quand le charbon a été découvert et la mine exploitée en 1840. MM.  Savi et Meneghini ont reconstitué ces espèces, comme autrefois Cuvier, le père de la paléontologie, refit en entier le paléothérium, dont quelques os seulement avaient été retrouvés dans les plâtrières de Montmartre.

Pendant que j’étais à Monte-Bamboli, les recherches géologiques n’occupèrent pas tous mes instans. Le directeur, pour me distraire des sérieuses études et varier les soirées, appela quelques mineurs qui faisaient métier d’improviser des vers. Aux veillées de la cantine et le dimanche dans l’après-midi, devant les cahutes de leurs camarades,