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la ramener à l’intérieur lorsque, le bâtiment naviguant seulement à la voile, elle oppose à sa marche un obstacle sensible, cette idée fut à l’origine très populaire aussi parmi nos officiers de marine. Quelques-uns des premiers vaisseaux qui chez nous furent armés d’hélice, le Charlemagne, l’Ulm, etc., furent aussi pourvus de puits. L’expérience cependant a fait voir que les occasions où le puits aurait pu rendre des services étaient excessivement rares, que, dans le beaucoup plus grand nombre des accidens qui arrivent d’ordinaire aux bâtimens à hélice, le puits ne peut leur être de presque aucune utilité, et que par contre il offre le défaut permanent et certain de nuire dans une proportion considérable à la solidité des bâtimens. Le puits, c’est en réalité une solution de continuité dans leur colonne vertébrale, et c’est un inconvénient qui est particulièrement dangereux sur des navires que leur système de propulsion affecte de mouvemens de vibration très marqués. Aussi la marine française a-t-elle abandonné le système des puits : les avantages à en espérer ne compensent pas les inconvéniens sérieux et inévitables qu’il faut en craindre. L’amirauté anglaise y persévère cependant.

C’est en suivant chacune son sillon que les deux administrations ont, l’une donné au Warrior la mâture d’un ancien vaisseau de 90 canons, et l’autre réduit la mâture de la Gloire aux proportions d’une simple mâture de fortune. Les Anglais n’ont pas adopté aussi franchement, aussi résolument que nous, l’idée du navire à vapeur. Ils ont peine à abandonner la voile, sous l’empire de laquelle ils ont remporté tant de glorieuses victoires ; et d’ailleurs la loi des retraites, qui agit chez eux avec infiniment moins de sévérité que chez nous, laisse encore à la tête de la marine anglaise une foule d’officiers qui, dans le temps de leur activité réelle, n’ont jamais connu que les navires à voiles. Ils ne peuvent pas se résoudre à les voir disparaître complètement, et ils emploient leur influence, qui est toujours grande, à conserver sur leurs vaisseaux tout ce qu’il est possible de sauver de voiles et de mâts. Il est cependant très douteux que cet attachement à la tradition soit raisonnable. Sans entrer dans le calcul de ce que la marche ou la navigation en temps ordinaire d’un bâtiment à vapeur et à grande vitesse peut perdre ou gagner à avoir ou à n’avoir pas de voiles, il est une série d’accidens qui se sont déjà reproduits assez fréquemment à bord des bâtimens à hélice pour donner tort aux amans trop exclusifs de la tradition, surtout s’il fallait considérer spécialement les choses au point de vue du combat. L’hélice, en imprimant au bâtiment sa vitesse, établit sur ses flancs un courant proportionnel à cette vitesse, et qui appelle sur les branches mêmes de l’organe tout ce qui peut