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que nous, a conduit les Anglais à des résultats assez singuliers. Tandis que chez nous on proportionnait les dimensions de la Gloire et de nos autres bâtimens cuirassés à la grandeur et à la profondeur des bassins qui auront à les recevoir dans les arsenaux, les Anglais produisaient un cheval plus grand que les écuries où il pouvait être logé. La longueur et le tirant d’eau du Warrior ne permettaient, à l’époque où il a été construit, d’entrer dans aucun des bassins appartenant à la marine militaire. C’est seulement à l’aide de travaux et de dépenses assez considérables qu’on est parvenu, en réunissant deux des bassins de Portsmouth, à se procurer provisoirement un lieu où l’on a pu terminer l’armement du Warrior, encore ne peut-il entrer dans ce bassin ou en sortir que dans les marées de vive-eau, c’est-à-dire une fois tous les quatorze jours. C’est aux mêmes conditions que l’on a obtenu à Chatham la forme sèche où l’amirauté commence à construire elle-même l’Achilles, un navire de plus grandes dimensions encore que le Warrior. Le parti-pris de persévérer dans ces immenses constructions et même de les développer encore ajoutera nécessairement, comme M. Reed le faisait remarquer dans une des séances du British Association, un gros chiffre pour travaux hydrauliques au chiffre déjà si élevé du budget de la marine anglaise.

Les Anglais ont voulu faire un navire plus rapide que la Gloire ; y ont-ils réussi, et à quelles conditions ? Le Warrior a donné aux essais une vitesse supérieure de presque un nœud à celle de la frégate française, et c’est un avantage dont nous ne sommes pas disposé à faire fi, car nous sommes très enclin à penser qu’entre deux navires, celui-là possède une supériorité réelle sur l’autre qui peut jusqu’à un certain point imposer ou refuser le combat, et dans tous les cas achever ses opérations bien plus rapidement ; mais la puissance des machines, qui est la principale des raisons de cette vitesse, entraîne aussi pour conséquence nécessaire une consommation de charbon plus considérable. Par suite encore, tandis que l’approvisionnement de la Gloire (675 tonneaux) peut suffire à une consommation de huit jours de marche à toute vapeur, l’approvisionnement de 950 tonneaux alloué par les devis primitifs au Warrior ne peut suffire qu’à six jours et demi de consommation. Encore faut-il dire qu’aux essais de vitesse du Warrior il ne portait, d’après le témoignage des Anglais eux-mêmes, que 760 tonneaux de charbon. Pourquoi ? Était-ce pour faire produire à la frégate le maximum de vitesse qu’elle peut fournir, et qu’elle n’aurait pas atteint avec son chargement normal ? Était-ce pour lui conserver cette hauteur de batterie que les Anglais considèrent avec maison comme un avantage, mais qu’ils exagèrent peut-être ? Dans tout ce qu’ils ont dit de