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pas de l’hélice l’auxiliaire de la voile. Au lieu d’avoir à compter avec les caprices des vents et de ne pouvoir y remédier qu’au moyen d’un engin peu puissant, on aurait sous la main un instrument à force certaine, à effet constant. Le vent viendrait en aide quand bon lui semblerait. On prendrait pour règle le certain et le connu, sauf à profiter, lorsqu’il y aurait lieu, du variable et de l’inconnu.

Tel était le principe de ce qu’on a appelé le vaisseau à vapeur, par opposition au vaisseau mixte. Maintenant que l’excellence du principe a été démontrée par d’éclatans succès, la chose parait toute simple, et l’on s’étonne presque qu’elle n’ait pas été découverte du premier coup. Le fait est cependant qu’on n’y est pas arrivé tout de suite. D’ailleurs, à côté de la condition de certitude et de régularité, il s’en présentait une autre qui n’était pas moins importante : on pouvait obtenir du nouvel instrument les plus grandes vitesses, et cette considération complétait absolument le système. Dans la politique comme dans la guerre, dans les opérations que l’on entreprend au loin comme sur le champ de bataille, la vitesse et la sûreté dans l’exécution sont deux avantages prépondérans. Dussent-ils coûter cher, il y a toujours en fin de compte bénéfice pour un gouvernement et pour une marine militaire à posséder les instrumens les plus rapides et les plus réguliers. On dépense certainement moins quand on sait ce que l’on fait que lorsqu’on doit se garer contre l’incertitude. et même dans le cours de la vie ordinaire, dans les transactions du commerce, la rapidité des mouvemens est toujours une source féconde d’économies : l’exemple des chemins de fer suffirait à le prouver. À plus forte raison combien cela est-il vrai quand on songe aux conséquences que peut entraîner la perte ou le gain d’une bataille ! D’ailleurs l’expérience allait montrer, au moins en ce qui concerne la marine militaire, que si les appareils à grande puissance coûtent plus cher que les autres en frais de premier établissement, ils peuvent dans la pratique regagner la différence en rendant des services meilleurs et moins coûteux, dût-on borner la question au seul point de vue de la dépense.

Par qui ces idées qui fermentaient dans les têtes furent-elles pour la première fois formulées en un corps de doctrine ? Qui eut l’avantage de présenter le premier un plan de vaisseau à vapeur calculé pour la coque et les aménagemens, pour l’armement et les machines, sur les propriétés du nouvel instrument ? C’est une question que je ne saurais résoudre avec quelque certitude ; mais, pour ne parler que de ce qui m’est connu, je vois que des 1844 le projet d’un vaisseau à hélice de cent canons et de la force de 1,000 chevaux était présenté au ministère de la marine. L’auteur de ce projet était l’amiral Labrousse, dont le nom revient toujours sous la plume quand