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lui fut enfin apportée, il se forma aussitôt par » souscriptions particulières un fonds pour l’expérimenter. On sait comment on acheta un vieux navire charbonnier qui fut rebaptisé pour l’occasion sous le nom d’Archimède, et comment, en 1840, ce navire, après avoir fait, le tour complet de la Grande-Bretagne, mit hors de discussion la valeur de l’hélice, en révélant même à son avantage des qualités qu’on ne paraissait pas avoir encore soupçonnées, comme par exemple, la puissance extraordinaire qu’elle communique au gouvernail. Le succès était complet. Voyons comment il a été mis à profit dans les marines militaires des deux pays.

L’amirauté, qui paraît avoir antérieurement repoussé l’hélice, est bien forcée cette fois de l’accueillir ; mais qu’en fait-elle ? L’inspiration de l’amirauté, l’inspiration à laquelle elle restera attachée opiniâtrement pendant plus ; de dix ans, cette inspiration, si elle n’est pas rétrograde, est au moins rétrospective. L’hélice, en débarrassant le navire à vapeur de ses tambours, permet de lui rendre les formes des anciens navires à voiles : c’est ce que l’amirauté semble considérer presque exclusivement, dans ses combinaisons nouvelles. Refaire de l’ancien, cela lui paraît admirable, et le nouvel instrument deviendra, un simple auxiliaire de la voile. L’amirauté prépare en conséquence, toute une flotte de vaisseaux du genre qu’on a appelé mixte ; elle paraît ne rien voir au-delà, ni se douter que l’hélice puisse être employée à un autre titre.

Je m’exagère pas, car, s’il faut s’en rapporter aux dates fournies par M. Hans Busk dans son excellent livre[1], on verra que les neuf vaisseaux (vaisseaux de ligne s’entend) que l’amirauté a pourvus les premiers d’hélices n’ont reçu chacun que des machines d’une force inférieure à 500 chevaux. Il en est même cinq sur le nombre dont les machines sont de la fonce de 200 chevaux seulement. Je sais, bien que ces vaisseaux ne comptent plus sur la liste active de la marine, et qu’ils ont été relégués comme block-ships dans le service des gardes-côtes ; mais ce premier essai n’indique-t-il pas jusqu’à l’évidence l’esprit qui animait l’amirauté lorsqu’elle connut le résultat des expériences faites par l’Archimède ? En se rapportant

  1. The Navies of. the World, their present State, and future Capabilities (les Marines du monde, leur état présent et les chances de leur avenir), par Hens Busk, maître ès-arts de l’université de Cambridge ; 1 vol. in-18, Londres, chez Routledge,- 1859. — Ce livre est rempli de faits très instructifs, très exacts, si nous devons en juger par ce qui est relatif à la marine française, et qui ont sans doute été fournis à l’auteur par voie semi-officielle. Par une coïncidence qui ne fut peut-être pas fortuite, il parut en même temps que sir J. Parkington présentait à la chambre des communes son fameux budget pour la première reconstruction de la marine anglaise. Il est fâcheux que ce livre n’ait pas été traduit dans son temps. Aujourd’hui, la question portant sur les frégates cuirassées, il présenterait moins d’intérêt.