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et seraient obligés d’attendre pendant plusieurs jours, avant de pouvoir nous rejoindre, qu’il plût aux vents de passer au sud. C’était un beau succès, et qui allait être encore confirmé l’année suivante, lors du débarquement des armées alliées sur la plage de Old-Fort.

Savions-nous donc déjà construire des bâtimens et des machines à vapeur supérieurs à ceux de nos rivaux ? ou bien avions-nous de meilleures méthodes pour tirer parti de ces instrumens ? Ce sont la des questions qu’il serait inutile, d’approfondir pour le moment, pas plus, qu’il ne serait opportun de revendiquer les titres que nous pouvons avoir à la découverte de la machine à vapeur, ou de reprendre les discussions historiques qui prouveraient que des bateaux munis d’appareils évaporatoires et mus par des roues ont été expérimentés sur nos rivières longtemps avant que Fulton vînt ouvrir d’infructueuses négociations, avec le premier consul. Le point important pour, mous, c’est de montrer la part, que nous avons eue dans la découverte et dans l’application de l’hélice comme moyen de propulsion des navires. En effet, l’hélice qui permet d’établir les machines au-dessous de la flottaison, à l’abri des coups de l’ennemi, a véritablement résolu la question de l’emploi de la vapeur sur les bâtimens. de guerre ; mais c’est dans la guerre de Crimée seulement qu’elle a montré par l’expérience, tout le parti que l’on pouvait tirer d’elle en l’employant avec intelligence, et hardiesse. Dans l’histoire de la marine à vapeur, elle mérite une attention toute spéciale.

L’hélice est une invention deux fois françaises En 1803, lorsque le gouvernement du premier consul rejetait les propositions de Fulton et les plans de ses bateaux à roues, vivait à Paris, dans un quartier retiré, un certain M Dallery, qui jadis avait été facteur d’orgues à Amiens. La révolution, en fermant les églises, lui ayant enlevé son gagne-pain, il avait d’abord essayé de mettre à profit dans sa ville natale les connaissances de mécanique qui étaient nécessaires à l’exercice de sa première profession, et les rares talens dont la nature l’avait doué ; mais, en vertu sans doute de l’axiome qui dit que nul n’est prophète dans, son pays, M. Dallery n’avait réussi, au milieu de ses concitoyens, qu’à compromettre une partie de son modeste avoir, et il était venu chercher fortune, à Paris. En agissant ainsi cependant, il avait peut-être quitté la proie pour l’ombre. Si l’a province en effet n’ouvre pas un aussi grand théâtre que la capitale aux ambitions et au mérite, elle a par contre cet avantage,