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comme une vieille monnaie qui souvent, malgré sa laideur, offre à l’archéologue un grand intérêt historique. C’est là le côté attrayant de cette poterie, car si on ne l’appréciait qu’au point de vue de la beauté, le commerce n’en serait pas grand. Nous en avons encore, la preuve dans les imitations de Naples et de Palerme, faites pour tromper quelques curieux, mais qui n’en tentent pas un grand nombre.

En supposant même que les peintres et : les sculpteurs chinois appliquent uniquement leur talent à l’art industriel, en faut-il conclure, puisqu’ils sont, dans ce genre parvenus au degré suprême, que l’art n’existe pas pour eux dans le sens élevé du mot ? Il est évident que l’on s’est trop occupé chez nous du côté bouffon des œuvres de la Chine et du Japon, des types comiques et des bêtes fantastiques qui ornent les meubles, les paravens et les porcelaines de ces contrées. C’est là en effet que ces peuples patiens, adroits et intelligens développent le mieux leur verve et leur originalité. En Europe, on prend cela pour des portraits faits d’après nature, tandis que ce n’est que par sentiment du naïf et de la caricature que les Chinois représentent ainsi les types plus ou moins ridicules de leur pays. Notre moyen âge n’agissait pas autrement, et un Chinois qui prendrait les dessins de nos caricaturistes pour le type français ne se tromperait pas plus complètement. C’est d’ailleurs une erreur de croire que les Chinois, sur les laques, les porcelaines, les écrans et les albums, sont toujours représentés sous des traits grotesques. Souvent au contraire ces peintures nous les montrent dans toute la pompe et le sérieux de leur position figures fines et charmantes, costumes aussi élégans que splendides, intérieurs riches et de bon goût, ou les meubles, les étoffes, les fleurs et les ornemens abondent sans profusion, et sont rendus avec une habileté admirable. Ce n’est jamais, il est vrai, la prétention absurde de faire du trompe l’œil, de reproduire une peinture vivante, impossible sur un vase ou sur une étoffe ; c’est toujours, le plus pur sentiment du décor, une entente profonde de ce qui peut charmer les yeux par le dessin, et la couleur.

Si les Grecs, dans les figures tracées sur leurs vases, ont représenté la nudité, c’est que les mœurs du pays rendaient possible et nécessaire ce genre de décoration, qui, seulement par ce côté, se montre d’un caractère plus élevé que ne peut l’être l’étude du vêtement. Reste à savoir si cette étude du corps humain introduite sur des vases est là bien à sa place, si elle ne dépasse pas le but, et si enfin elle est d’un dessin bien pur. Nous craignons que beaucoup d’archéologues très savans, mais fort peu dessinateurs, ne soient pas, sous ce rapport, des juges bien experts. Ces traits, si beaux qu’ils puissent être d’ailleurs, ne donnent à ces vases ni une