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composition de cette matière que l’on prétendit qu’elle se faisait avec des jaunes d’œuf. Au XVIIe siècle, la porcelaine était si rare encore que l’usage en était considéré comme un luxe suprême. On envoya chercher en Chine la terre à porcelaine et les renseignemens nécessaires. Bientôt Bœttger reconnut aux environs de Dresde une terre toute semblable ; avec cette terre, que l’on nomme kaolin, des mots chinois kaolin, qui signifient pierre de la chaîne élevée, et grâce à une étude attentive des formes, des couleurs et du système de décoration chinoise, on arriva bientôt à cette supériorité qui place au premier rang les vieilles porcelaines de Saxe. La fabrique d’Albrechtsburg, où se trouvait le laboratoire de Bœttger, fut traitée comme une forteresse ; le pont-levis ne s’abaissait que la nuit, et un décret d’emprisonnement perpétuel menaçant quiconque trahirait les secrets de fabrication était affiché sur les murailles.

Malgré ces précautions, cette industrie fut introduite en France au commencement du XVIIIe siècle, d’abord à Saint-Cloud en 1727, puis, en 1740, à Vincennes, dans un établissement qui fut le berceau de la manufacture de Sèvres. La porcelaine dure ne fut positivement adoptée à Sèvres qu’en 1771, c’est-à-dire quinze années après l’établissement de la manufacture dans ce village. La porcelaine qui, par opposition à celle de kaolin et de feldspath, a pris le nom de porcelaine tendre ou porcelaine fritte (parce que la base de la composition de cette pâte est un verre imparfait qu’on appelle fritte), ne résiste pas à une haute température, composée comme elle l’est d’alcalis (soude ou potasse), de sels marins, de nitre ou de baryte qu’on mélange avec du sable de Fontainebleau, du gypse de Montmartre, puis enfin avec du savon noir et de la colle de peau. Des préparations nombreuses pour amalgamer toutes ces substances créèrent cette célèbre pâte tendre inventée avant que la Saxe ne découvrît le kaolin, c’est-à-dire avant 1709. Elle est entièrement détrônée aujourd’hui par la matière vitreuse naturelle qui devient à la cuisson pâte dure, c’est-à-dire une véritable porcelaine. C’est à Saint-Cloud que la fabrication de la porcelaine tendre a pris naissance, et c’est à Sèvres qu’elle s’est perfectionnée. Cette composition offrait alors des ressources qui donnaient aux couleurs plus d’éclat et de variété, en même temps qu’une douceur plus grande. Les couleurs, pénétrant pour ainsi dire dans la pâte, se fondaient mieux et amenaient un résultat plus fin, plus harmonieux. De nombreux essais ont été faits à Sèvres depuis quelques années pour retrouver exactement la combinaison de cette pâte si recherchée des amateurs : on a en théorie le détail exact des procédés ; mais il y manque la pratique, ce tour de main que les ouvriers n’acquièrent que par tradition. On reconnaît aisément la pâte tendre à la glaçure