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rapt des enfans et le vol des bestiaux. Il y a des tribus pastorales, les Wamasaï, les Wakwafi, les Watuta, les Warori, qui prétendent qu’elles ont seules le droit déposséder des troupeaux, — droit qui leur a été transmis héréditairement, disent-elles, par leurs premiers ancêtres, créateurs des animaux. Les enlèvemens d’enfans sont très fréquens : il y a des razzias organisées pour cet objet. L’ivoire sert souvent de prix pour les échanges. Il serait difficile de fixer une valeur moyenne à une marchandise aussi variable que les esclaves. Toutefois à Zanzibar on paie généralement de 15 à 30 dollars un enfant ; un homme de vingt-cinq à quarante ans vaut de 13 à 20 dollars ; plus vieux, il tombe de 10 à 13. Les esclaves instruits dans quelque métier sont payés de 25 à 70. Le prix des femmes est ordinairement d’un tiers supérieur à celui des hommes. Les droits payés à Zanzibar varient suivant la provenance des sujets : les Wahio, les Wagindo et autres importés de Kilwa ne paient qu’un dollar ; de Mrima et de la région maritime, il en paient deux, et trois de l’Unyamwezi, d’Ujiji et des autres régions de l’intérieur. Au dépôt central d’Onyanyembé, les prix sont beaucoup moins élevés. Il y a aussi des marchés où les hommes sont vendus plus cher que les enfans. Dans les moins chers, par exemple à Karagwa et à Urori, on a un enfant pour trois vêtemens et une petite mesure de grains de corail ; un homme coûte le double, et on ne prend pas les vieux noirs. Le nombre des esclaves annuellement introduits à Zanzibar varie entre dix et vingt mille. La perte par mort et par évasions n’est pas évaluée à moins de 30 pour 100.

Sur les bords du lac Tanganyika aussi bien que sur tout le reste du continent, les familles noires sont très diverses et très nombreuses. La science se perdrait à tenter l’explication de cette ethnologie africaine. « Les Wajiji sont une population rude et très barbare ; les chefs se couvrent les bras, la poitrine, le dos, de tatouages en lignes, en cercles, en raies entre-croisées. Ils se frottent d’huile ; leurs cheveux, coupés ras, sont disposés en croissans, en ronds, en étoiles, en lignes elliptiques. Ils ont très peu de poils sur la figure, et s’y appliquent, hommes et femmes, de la terre rouge ou de la craie, ce qui les rend hideux. Les plus riches portent des étoffes de coton achetées aux caravanes. Les femmes font usage d’une robe appelée tobé ; les pauvres gens portent des peaux de moutons, de chèvres, de cerfs, de léopards, de singes, attachées avec des cornes sur les deux épaules, et dont ils laissent la queue et les jambes pendre derrière eux. À Ujiji, on fabrique avec les filamens intérieurs de l’écorce de certains arbres des étoffes qui ont l’avantage d’être imperméables. Pour leur donner de la souplesse, on les graisse avec du mauvais beurre.