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les yeux, pour cette difficile entreprise, sur un officier de l’armée du Bengale, le capitaine Richard Burton, qui s’était signalé déjà par un important voyage en Arabie, sous le costume musulman, comme jadis notre compatriote Caillié en Afrique. Il avait ainsi visité les sanctuaires de l’islam. Depuis il avait pénétré au nord-est de l’Afrique dans la cité sainte de Harar, ville fermée aux chrétiens, et y avait séjourné au péril de sa vie. Burton accepta, et songea à s’adjoindre un compagnon. Il fit choix de M. Speke, comme.lui officier dans l’armée des Indes, et qui avait pris au Thibet et dans l’Himalaya l’habitude des pénibles voyages. Déjà même M. Speke avait fait une tentative à la côte orientale d’Afrique ; mais les Somalis s’étaient jetés à l’improviste sur son camp : ils avaient tué un de ses compagnons, l’avaient pris lui-même, et il ne s’était échappé qu’à grand’peine.

Les deux voyageurs devaient procéder par la côte est ; c’est le chemin préféré, aujourd’hui que l’on a reconnu l’impossibilité presque absolue de franchir les marécages qui enveloppent le Nil à sa naissance et de surmonter la malveillance des populations riveraines de son cours supérieur, aigries par les iniques dévastations des traitans négriers. Ils quittèrent Bombay en décembre 1856, et vinrent débarquer à Zanzibar, d’où le consul anglais devait leur faciliter l’accès de l’intérieur. Dans la prison de la forteresse de Zanzibar, il y avait alors un nègre chargé de fers et attaché à un canon de façon à ne pouvoir se tenir ni couché ni debout. Il avait été un des assassins du jeune Français Maizan, qui avait essayé quelques années auparavant de pénétrer en Afrique, et il expiait son crime dans cet affreux supplice.

Les préparatifs pour le départ n’étaient pas encore complets ; une excursion aux établissemens de la côte occupa les voyageurs, qui allèrent visiter la station religieuse de Rabbai-Mpia. Ce fut le missionnaire Rebmann qui les reçut, et il put leur donner de précieux renseignemens sur les races qu’eux-mêmes allaient visiter. On les distingue en populations essentiellement nomades, — Somalis, Gallas, Masaï, — qui sont déprédatrices et très redoutables. Les demi-pastorales, telles que les Wakamba, qui changent assez fréquemment de demeures, font cultiver des terres par leurs femmes ; ces tribus se livrent aussi au pillage. Quant aux populations agricoles, Wanika, réparties entre la mer et les grands lacs, elles sont composées de métis, de noirs et d’Asiatiques. De la station, les voyageurs se rendirent à Pangani, marché principal de la côte situé à l’embouchure d’une rivière du même nom. Ce lieu compte environ quatre mille âmes, et fait un commerce assez considérable de grains, de beurre, d’ivoire, de cornes de rhinocéros, de dents d’hippopotame.

Le parcours du Pangani est difficile à cause des rochers et des