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que tout Français saisi en dehors des limites du territoire ouvert aux étrangers serait reconduit à la frontière sans qu’on pût lu.infliger aucun mauvais traitement, et remis entre les mains du consul de sa nation.

Telle était la lettre du règlement : avant le traité de Whampoa, pénalité souvent barbare contre le missionnaire saisi ; après le traité de Whampoa, renvoi pur et simple dans la partie du territoire ouverte aux étrangers. En réalité, les choses se passaient autrement. Beaucoup de missionnaires, habillés comme les indigènes, évitant de se montrer dans les lieux publics, vivant presque exclusivement dans la société des chrétiens, avaient à toutes les époques séjourné en Chine. Ki-yng le savait mieux que personne, et connaissait même fort exactement le nombre des missionnaires qui étaient alors dans l’empire. Des communications ayant un caractère tout à fait privé avaient été échangées à ce sujet entre lui et M. de Lagrené. Ki-yng avait promis que le traité n’aggraverait pas la situation des missionnaires, qu’on ne leur appliquerait pas dans toute sa rigueur l’article relatif aux étrangers saisis dans l’intérieur, et que l’on continuerait à fermer les yeux, mais à la condition que la conduite des missionnaires serait assez réservée pour que l’autorité pût paraître ignorer leur présence.

Malheureusement il n’en fut pas ainsi partout ; nos missionnaires obéissent plus volontiers aux inspirations du dévouement qu’aux conseils de la prudence. dès que l’édit fut connu dans l’intérieur, leur joie et leur enthousiasme se traduisirent par des manifestations assez inopportunes : actions de grâces solennelles, prières publiques, réunions de chrétiens appartenant à diverses localités et venant, sous la conduite de leurs pasteurs, célébrer en commun le grand événement du jour. Dans la province de Kiang-si, on brava ouvertement le fou-tai, qui avait voulu s’y opposer ; on le menaça de dénoncer sa conduite au commissaire impérial et à l’ambassadeur de France. Des faits analogues se succédèrent dans plusieurs localités et firent naître une sourde irritation chez les mandarins. Cette irritation se produisit surtout là où se trouvaient des prêtres européens ; partout où les chrétiens indigènes restèrent livrés à leurs propres inspirations, la transition de l’ancien au nouvel ordre de choses put s’accomplir sans secousse. Les Chinois, naturellement craintifs et soumis vis-à-vis de l’autorité, se gardèrent de lui donner aucun sujet de mécontentement et profitèrent sans bruit des facilités nouvelles qu’on leur accordait pour l’exercice de leur culte. Ils construisirent ou disposèrent des églises qui avaient au dehors les caractères inhérens à l’architecture du pays, tandis que les missionnaires inclinaient à donner aux édifices religieux l’aspect extérieur