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François Ier, coalitions toujours provoquées, soldées et entretenues par l’Angleterre, quelle est celle qui, dans le torrent.de nos ennemis, ne nous a pas toujours amené des Anglais, en première ligne toutes les fois que notre territoire a été envahi ?

On nous dit encore : L’Angleterre exceptée, la France est de beaucoup au-dessus des autres la puissance maritime la plus considérable qu’il y ait dans le monde ; si donc elle cherche à développer encore son établissement naval, ce ne peut être que dans des vues hostiles à l’Angleterre. L’argument est spécieux, et peut-être au premier abord pourra-t-il inquiéter quelque conscience timorée ; cependant il ne vaut pas mieux, si même il vaut autant que les autres. Je reconnais à l’Angleterre le droit qu’elle revendique de maintenir sa supériorité, pourvu qu’elle le fasse par son industrie, par son commerce, par son budget, par tous les moyens qu’elle peut tirer de son propre fonds ; mais je ne puis reconnaître qu’elle ait le droit de se plaindre, s’il nous convient à notre tour d’entretenir un établissement maritime en rapport avec notre richesse, avec le chiffre de notre population, avec notre position et notre rang parmi les peuples. Et même si nos efforts avaient pour but réel de regagner patiemment la distance qui nous séparé encore de nos voisins, à quel titre pourrait-on nous l’imputera crime, comme on essaie de le faire ? Ce serait une ambition très légitime et très avouable, car je ne sache pas de loi divine ou humaine qui, en accordant le plus à l’Angleterre, impose le moins à la France et au reste du monde.

Pour trancher le différend, des esprits plus souples et plus sociables parmi les Anglais ont inventé une théorie singulière de conciliation, mais que l’on n’est sans doute pas forcé de regarder comme très juste, par cela seul qu’elle jouit d’un assez grand crédit chez nos voisins. Ils nous disent : « Vous avez la plus puissante armée du continent, et nous n’y trouvons pas à redire, parce que vous en avez sans doute besoin pour votre sécurité ; eh bien ! de même nous avons besoin pour la sécurité de nos intérêts d’avoir une flotte plus puissante que toutes les flottes des autres peuples ensemble ; par conséquent, si vous voulez vivre en bonne intelligence avec nous, n’ayez pas de marine qui puisse nous causer aucun ombrage ; armez autant de régimens que vous le croirez nécessaire, tandis que nous, de notre côté, nous nous contenterons d’avoir une armée réduite comparativement à la vôtre. » Au fond, c’est un marché que l’on nous propose ; mais est-ce un marché bien équitable, c’est-à-dire une convention qui prenne en considération égale la position de chacune des parties ? A cet égard, il y a beaucoup à dire.

On, a l’air, en gardant pour soi l’empire des mers, de nous accorder