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L’usine de Follonica ne peut aujourd’hui racheter l’insalubrité de sa position par l’abondance de ses chutes d’eau, moteurs gratuits, car les flammes perdues des hauts-fourneaux chauffent les chaudières à vapeur également pour rien. Dans les deux cas, la force motrice n’est donc plus un élément économique à considérer, et l’avantage reste tout entier à la vapeur. Le but qu’il faut désormais poursuivre est d’établir une usine à l’île d’Elbe, où les bateaux de commerce qui viennent charger le minerai pour le porter en Angleterre amèneront à bon compte la houille et le coke, aujourd’hui indispensables aux usines à fer. Presque partout en Europe, et notamment en France, la méthode de traitement à l’anglaise s’est introduite dans les anciennes forges. Nous avons pu ainsi, décuplant notre production, satisfaire aux exigences de nos chemins de fer en même temps que nous avons ménagé le bois de nos forêts. Que notre exemple serve de guide à l’Italie, qui a encore presque tous ses rail-ways à construire, que la Toscane enfin se persuade que si ses mines de l’île d’Elbe, bien qu’exploitées depuis trente siècles d’une manière continue, sont aussi riches qu’au premier jour, et paraissent à peine effleurées, il n’en est pas de même de ses bois, qui ne fourniront pas pour de longues années encore et à des prix convenables du charbon à ses usines.

En quittant Follonica, je me dirigeai vers les alunières de Montioni, situées à quelques lieues de distance, au milieu des maquis, et appartenant également au grand-duc. Le paysage dont je jouis au départ était vraiment pittoresque. Un vaste cirque, s’étendant de la pointe de Piombino à celle de la Troja, est pour ainsi dire jalonné par les forts et les batteries édifiés le long du rivage. Vers le milieu de la corde de cet arc de plus de dix lieues s’élève en pleine mer la tour de Cerboli, semblable à la pyramide qu’on érigeait jadis au milieu des amphithéâtres. À gauche de la route, les bois de chênes clair-semés et les fourrés de bruyère ferment brusquement l’horizon. À droite, la Pecora vient se perdre dans l’étang de Follonica, à un niveau plus bas que celui de la mer, et annonçant ainsi un pays désolé par la fièvre. Je ne tardai pas à découvrir sur les hauteurs le village de Scarlino, dont le clocher blanchi dégage sa flèche au milieu des arbres. Gavorrano, connu par ses bains d’eaux thermales, ses carrières de granit et ses filons de fer, m’apparut ensuite perché sur une montagne à pic. On comprend dans la Maremme l’élévation de ces lieux habités.

La route se bifurque à moitié chemin, et j’entrai dans les maquis, où se montre çà et là une fattoria ou vaste ferme. J’arrivai bientôt aux alunières de Montioni, terme de ma course. Comme les forges que je venais de visiter, elles étaient en chômage. La nouvelle