Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 39.djvu/507

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donnant l’instruction à 6,955 personnes. En 1815, les frais de l’instruction primaire dans le département s’élevaient à 2,998 fr., en 1830, à 10,244 fr., en 1847, à 205,976 francs. » M. Chevillard ne parle pas des progrès accomplis depuis 1847.

Une objection s’est fait jour plusieurs fois; elle porte sur l’inégalité des communes. Telle commune, a-t-on dit, a plusieurs milliers d’habitans, telle autre à peine quelques centaines; celle-ci est riche, celle-là est pauvre : il serait à propos de grouper les plus pauvres pour leur donner plus de force par la réunion. M. Chevillard combat cette doctrine, et à mon sens il a raison. Pauvre ou riche, l’existence d’une commune est une conséquence de la configuration même du sol. Qu’on vienne au secours des plus pauvres si l’on veut et si l’on peut, mais qu’on leur laisse avant tout leur vie propre et indépendante. Humbles dans leurs prétentions, ces communes cherchent à mettre leurs besoins en rapport avec leurs ressources, elles se contentent d’une vieille chapelle et d’une mairie délabrée; mais c’est leur mairie et leur chapelle. En réunissant deux communes pauvres, que faites-vous? Vous réunissez deux coffres vides et vous doublez d’un trait de plume le territoire; vous avez la même misère répandue sur une plus grande surface, voilà tout. Au lieu de songer à des réunions, il faudrait plutôt diviser les communes les plus grandes, car il est bon qu’on n’ait pas trop de chemin à faire pour se rendre à l’école ou à la messe, pour présenter au baptême un enfant nouveau-né ou transporter un mort à sa dernière demeure.

Autant M. Chevillard respecte la commune, autant il respecte peu le département, qu’il regarde comme une création arbitraire de la loi. Il préfère, dit-il, à la division par départemens l’ancienne division par provinces, comme plus conforme à l’histoire et à la constitution naturelle. À ce sujet, il rappelle la tentative faite par Louis XVI, dans les dernières années de son règne, pour établir dans toutes les provinces qui n’avaient pas d’états des assemblées provinciales. Après avoir fait moi-même une étude spéciale de ces assemblées, je suis heureux de voir que d’autres encore cherchent à en réveiller le souvenir. « Les cœurs épris de l’amour de la liberté, dit M. Chevillard, peuvent envier cette institution à l’ancien régime, car aucun gouvernement, aucune révolution, n’a donné à la France municipale de semblables franchises depuis 1789 jusqu’à nos jours : » jugement parfaitement équitable, et qui sera désormais, je l’espère, placé hors de toute contestation.

Mais il ne suit nullement de là, ce me semble, qu’on doive blâmer radicalement l’institution des départemens. D’abord les départemens n’ont pas succédé aux anciennes provinces, mais aux généralités, ce qui est très différent. Les généralités dataient de François Ier, et elles avaient été remaniées plusieurs fois, sans beaucoup d’égards pour les circonscriptions historiques. L’ancienne Normandie était fractionnée en trois; d’autres provinces au contraire avaient été réunies, comme le Maine, la Touraine et l’Anjou dans la généralité de Tours, le Nivernais, le Bourbonnais et la Marche dans celle de Moulins, etc. Ensuite il n’est pas tout à fait exact que la formation des départemens n’ait pas répondu à des causes historiques. A prendre au pied de la lettre les discours prononcés en 1789, elle n’aurait