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et il est probable que ce ne sera pas le dernier mot du budget, car, si les crédits supplémentaires et extraordinaires ne peuvent plus exister par voie de décret, ils peuvent toujours exister par voie de budget rectificatif et sous forme de viremens. Et nul n’oserait assurer que, malgré les prévisions très larges de M. le ministre des finances, on n’y aura pas recours.

Laissons de côté toutefois un ordre de considérations abordé tout récemment dans la Revue[1]. D’autres circonstances permettent d’envisager avec quelque inquiétude une augmentation d’impôts. Je ne parle pas de la gêne commerciale et industrielle qui existe en ce moment dans notre pays, et qui est déjà par elle-même une considération assez puissante pour exclure toute idée de charges nouvelles. Un traité de commerce a été signé au commencement de 1860, et on a répondu aux plaintes-de quelques industriels qu’on allait leur donner par toute espèce de dégrèvemens, autant qu’on le pourrait, les moyens de soutenir la concurrence étrangère. Et en effet, après avoir supprimé les droits sur des matières premières comme le coton et la laine, on a procédé à un dégrèvement sur certains objets de grande consommation, on a diminué de près de moitié les droits sur les sucres, le café, etc. C’était la pratique qui avait été suivie en Angleterre depuis 182, et qui avait admirablement réussi. En 1842, quand l’illustre Robert Peel commença sa grande réforme économique, il comprit que le levier le plus puissant pour la faire réussir était l’abaissement successif des taxes afin de pouvoir réduire proportionnellement les frais de production, et à mesure qu’il élargissait chaque année le champ de la concurrence, il proposait une nouvelle diminution de taxe. On est arrivé de cette façon à réduire successivement sur le seul chapitre des douanes, de 1842 à 1858, 10 millions de taxes, et le résultat a été, sans parler des autres effets économiques, notamment de l’essor imprimé à l’industrie, que ce chapitre des douanes, qui donnait 25,515,000 livres sterling en 1842, avant le dégrèvement, a donné encore, après le dégrèvement de 10 millions de livres sterling, 25,275,000 livres sterling en 1858, c’est-à-dire que le fisc a regagné, par le seul effet du progrès imprimé à la richesse publique, tout ce qu’il avait abandonné. Chez nous, après avoir commencé certains dégrèvemens et en avoir promis d’autres, qui devaient être la conséquence naturelle du nouvel état de choses, voilà que tout à coup on s’arrête, et qu’au lieu de procéder à de nouveaux dégrèvemens, on reprend une partie de ceux qu’on avait opérés, et qu’on reprend même une surtaxe abandonnée depuis 1849. Et quel mo-

  1. Voyez, dans la livraison du 1er mai, le Budget de 1865, par M. Casimir Perier.