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C’est en vain qu’on cherche à justifier cette exemption par ce qui a lieu dans certaines villes, où les municipalités, usant d’une faculté qui leur a été laissée par la loi du 21 avril 1832, exonèrent de la taxe personnelle et mobilière les loyers au-dessous d’un certain prix. D’abord cette exemption est assez limitée, puis elle se rachète généralement par l’augmentation naturelle des produits de l’octroi sans addition de nouvelles taxes. Ce n’est pas le cas ici. Loin de là, on a besoin de 112 millions d’impôts nouveaux, et on ne fait le dégrèvement qu’à la condition d’en retrouver la compensation dans une nouvelle taxe. Or, si nous avons eu raison de dire que l’impôt des voitures est destiné par contre-coup à peser sur les salaires et sur les profits de l’industrie, il en résultera que l’ouvrier qui se trouvera à la limite extrême, pour ne pas profiter du dégrèvement de l’impôt personnel et mobilier, continuera de payer cet impôt et subira de plus sa part du trouble apporté à l’industrie par les 5,500,000 francs de l’impôt sur les voitures. Il était difficile d’imaginer quelque chose de plus contraire à l’égalité. Et sait-on en définitive quel est l’allégement qu’on opère par une mesure qui blesse à un si haut degré le sentiment de l’égalité? Il est, sur 5 millions à répartir en 1,200,000 individus, d’environ 4 francs par individu, et si on réfléchit que la taxe se paie par famille et que le budget d’une famille en France pour vivre ne peut guère être inférieur à 800 francs, il s’ensuit que le dégrèvement compte pour 1/2 pour 100 dans ce budget. Nous demandons à tout homme sérieux s’il y a là un profit appréciable pour le contribuable, capable d’exercer une influence réelle sur le bien-être de cette famille, si cela vaut la peine qu’on blesse le sentiment d’égalité si profond dans notre pays, et qu’on apporte le moindre trouble aux rapports économiques de la société. Une journée de travail de moins suffit pour causer un préjudice supérieur au bénéfice du dégrèvement, et cette journée de travail de moins, elle peut parfaitement venir du retranchement de 5,500,000 francs du revenu disponible par l’impôt des voitures.

Nous en avons fini de notre appréciation des impôts. Il reste à dire quelques mots de l’exagération des dépenses, qui rend les remaniemens et les augmentations d’impôts nécessaires. Nous voilà pour 1863 (si l’on réunit les trois parties du budget que M. le ministre des finances a cru devoir séparer) à 2 milliards 100 millions[1],

  1. ¬¬¬
    Budget ordinaire 1,745,000,000
    Budget d’ordre 223,000,000
    Budget extraordinaire 138,000,000
    Total 2,106,000,000

    Voyez le projet de loi pour la fixation des recettes de l’exercice 1863, et le projet de loi relatif au budget extraordinaire de la même année.