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ment sur le capital, qui le diminue d’autant. Or conçoit-on, aujourd’hui qu’il est reconnu par tout le monde que l’association des capitaux sous forme d’actions est le levier le plus puissant de l’industrie moderne, celui au moyen duquel nous avons exécuté nos chemins de fer et qui peut nous permettre d’accomplir encore beaucoup d’autres choses, conçoit-on une combinaison moins heureuse en matière fiscale que celle qui consiste à frapper le capital dans son emploi le plus fécond?

Voyons maintenant l’effet des taxes indirectes qui pèsent sur les objets de grande consommation. J’ai déjà montré que ces taxes se payaient avec moins de mécontentement qu’aucune autre, qu’elles étaient plus proportionnelles à la fortune de chacun; j’ajoute que ce sont celles qui peuvent le mieux se plier au progrès de la richesse publique, être modérées, et en même temps rapporter beaucoup, c’est-à-dire réunir les trois avantages déjà indiqués. Je prends tout de suite pour exemple l’impôt des boissons; il a été établi, par une enquête ordonnée par l’assemblée législative en 1850 et faite avec tout le soin possible, que la part de l’impôt dans le prix d’un litre de vin en France ne comptait que pour 7 centimes. C’est là assurément, malgré certaines réclamations qui ont eu lieu à diverses époques, un impôt modéré, et qui gêne peu la consommation : il la gêne si peu, que le produit obtenu augmente chaque année. Pour ne pas remonter plus haut que J8ili7, l’impôt des boissons rapportait 101 millions en 1847, il a rapporté 195 millions en 1861.

Je prends un autre exemple, l’impôt sur le sucre. Cet impôt, qui en 1847 rapportait 72 millions, a rapporté en 1859, avant le dégrèvement, 137 millions, et après le dégrèvement, en 1861, bien que la taxe ait été abaissée de près de moitié, il a encore rapporté 86 millions. Cet impôt est plus lourd que celui des boissons; il entrait, avant le dégrèvement, pour environ un cinquième dans le prix du sucre : la livre de sucre, qui valait de 90 cent, à 1 fr., était grevée de 20 à 25 centimes d’impôt; cependant cela n’a pas empêché la consommation d’augmenter considérablement, et l’impôt de rendre de plus en plus. Pourquoi? Parce qu’il s’agit là d’un objet de consommation générale, qui est lié au mouvement de la richesse publique, et qu’il est possible à l’ouvrier et à l’industriel de le faire entrer dans leurs frais de production, et de se le faire rembourser par le consommateur sur le revenu disponible.

Sans doute un dégrèvement en pareille matière est chose utile, et augmenterait encore le bien-être des populations, et par suite le progrès de la richesse publique. C’est un résultat que l’on a obtenu en Angleterre sur une grande échelle, et que nous avons réalisé nous-mêmes, dans une certaine mesure, avec notre faible expérience