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c’est que l’Angleterre se croit obligée à de nouvelles dépenses extraordinaires; mais cette taxe n’est jamais votée que pour un laps de temps très court, et le chancelier de l’échiquier qui en demande le renouvellement est toujours obligé de s’excuser et de la justifier par les besoins les plus pressans.

Maintenant, au point de vue économique, l’impôt sur le revenu est-il moins nuisible au progrès de la richesse publique que tel autre qu’on l’appellerait à remplacer, que la taxe indirecte de consommation par exemple? Quelques économistes ont prétendu que l’impôt était un encouragement à la production, comme la dette publique l’était à l’épargne. Cette thèse, posée ainsi d’une façon absolue, est certainement une erreur. Les impôts, lorsqu’ils sont lourds, loin d’encourager la production, la découragent, et il est évident qu’elle se trouvera toujours beaucoup mieux de n’en être pas grevée; mais, étant donné qu’on a besoin d’impôts, et d’impôts considérables, comme c’est le cas partout et surtout en France, vaut-il mieux pour le progrès de la richesse publique les établir au moment de la formation de cette richesse dans le prix des choses qu’on est appelé à consommer, choses de consommation générale bien entendu, que de les introduire, lorsque cette richesse est acquise, sous forme de prélèvement à exercer sur elle? S’il est placé au moment de la formation de la richesse, et s’il est modéré (toute bonne taxe de consommation doit l’être), l’impôt peut déterminer un léger effort de travail de plus pour faire la part du fisc, et comme en définitive le progrès de la richesse publique repose sur le travail, l’impôt se trouve payé sans que la masse du revenu disponible soit diminuée. Si au contraire l’impôt arrive au moment où la richesse est formée et lorsqu’il n’y a plus d’effort à faire pour compenser la part du fisc, cette part peut agir comme un prélèvement pur et simple, et diminuer d’autant la masse du revenu

Il y a une autre raison encore pour que les taxes de consommation soient préférées à l’impôt sur le revenu et à toutes les taxes directes : c’est qu’elles produisent moins de mécontentement et que l’effet moral en est meilleur. Nous savons bien ce que, dans les temps de révolution, on a fait pour agiter les masses à l’endroit de certains impôts de consommation, comme l’impôt sur les boissons et sur le sel, et les amener à faire des réclamations; mais si on veut être de bonne foi et pénétrer au cœur des populations, on verra que ce qu’il y a de plus impopulaire, c’est la taxe directe, cette taxe qui arrive avec un chiffre et une échéance déterminés, comme une dette à payer chez le percepteur, sans que le contribuable se rende toujours bien compte de la mesure des services qu’il est appelé à recevoir en échange, tandis que pour la taxe de consommation, qui est mêlée à un besoin qu’on satisfait, à une jouissance qu’on se donne, si elle