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sommateur et diminuent le revenu disponible, il ne s’ensuit pas qu’au point de vue économique la forme soit indifférente, et qu’on pourrait par exemple tout aussi bien adopter l’impôt sur le revenu que tout autre impôt. Nous savons bien que, dans notre pays, cette question de l’impôt sur le revenu ne paraît pas être une question du jour, et que notre gouvernement, par tous ses organes, se défend de vouloir jamais l’établir. Nous acceptons volontiers ces déclarations et nous les croyons sincères; mais l’opinion exprimée par le gouvernement n’est point partagée par tout le monde. Il y a jusque dans ses conseils des hommes très intelligens et très sérieux qui ne craignent pas d’avouer leurs préférences pour ce mode d’impôt, qui a de plus pour lui la consécration du fait : il existe dans quelques pays, et notamment en Angleterre, où il est souvent utile, au point de vue économique, d’aller chercher des exemples. Par conséquent on ne peut pas dire d’une façon absolue qu’on ne sera jamais amené à suivre cet exemple et à essayer de l’impôt sur le revenu. Avant que cet exemple soit suivi et que cet essai soit tenté, il nous paraît utile d’examiner les mérites et les inconvéniens de cet impôt. Les mérites ou plutôt le mérite qu’il a, car nous ne lui en connaissons qu’un, c’est de coûter moins cher que les autres à percevoir, parce que, basé généralement sur la déclaration, il exige moins de contrôle, et partant moins d’employés; mais, à côté de cet avantage, combien d’inconvéniens ! On a vanté souvent l’impôt sur le revenu comme le plus équitable et le plus proportionnel de tous les impôts; c’est le contraire qui est vrai. D’abord, dans les pays où il existe, comme l’Angleterre, on a cru devoir en exempter une catégorie d’individus, ceux dont le revenu ne dépasse pas un certain chiffre. Cette limite de l’exemption en Angleterre va jusqu’à 100 livres sterling de revenu. On pourra baisser la limite si l’on veut, mais on arrivera toujours à un degré où les considérations d’humanité, qui nous arrêtent déjà devant une taxe aussi légère que celle de l’impôt personnel mobilier, nous arrêteront bien davantage lorsqu’il s’agira d’une taxe aussi lourde que celle de l’impôt sur le revenu, où il faudra établir des exemptions. Voilà une première cause d’inégalité.

Il y en a une seconde : c’est le défaut de sincérité des déclarations. Déjà en Angleterre on se plaint de ce défaut de sincérité, et on lui attribue une grande réduction dans le produit de l’income-tax. Il est à peu près certain que l’income-tax qui est établi à 7 deniers par livre sterling sur la cédule D, c’est-à-dire sur celle qui atteint les profits industriels, n’est guère payé que sur le pied de 4 deniers, et comme le produit de cette cédule est le plus considérable, qu’il compte pour les quatre cinquièmes dans le montant de l’income-tax, on voit quelle est la fraude qui a lieu au préjudice du fisc. Sous l’administration de Pitt, la limite de l’exemption pour