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qui possède d’abord ce revenu ne fait pas lui-même toutes les consommations auxquelles il a droit, il les fait faire par d’autres, par ceux auxquels il prèle la part du revenu qu’il économise, et ce sont ceux-là qui, en employant ce revenu, paient l’impôt à sa place et pour son compte. Nous disons pour son compte, car si la part de revenu qu’il économise et qu’il place n’avait pas été grevée d’une part d’impôt par les choses auxquelles elle donnait droit, il l’aurait placée à de meilleures conditions ou, ce qui revient au même, il aurait retiré un meilleur profit de l’intérêt qu’on lui paie. Peu importe donc qu’il consomme lui-même tout son revenu ou qu’il en économise une partie : le fisc et avec lui la proportionnalité de l’impôt sont désintéressés dans la question. Il paiera toujours l’impôt dans la proportion de ce revenu, il ne peut pas y échapper.

Il n’y a qu’un impôt que l’on ne puisse pas rejeter sur le consommateur, c’est l’impôt foncier en ce qui concerne les propriétés rurales; mais c’est un impôt d’une nature toute particulière, on peut dire qu’il n’est en réalité payé par personne et qu’il équivaut à une copropriété du sol par le fisc. Celui qui achète une terre l’achète sur le pied du revenu qu’elle donne, revenu déterminé par la situation économique du pays, et déduction faite de tous les frais et de l’impôt en particulier. Et comme celui qui la vend l’a achetée de même, il en résulte que personne ne paie plus l’impôt. Il n’y a que le propriétaire primitif, sur lequel il a été établi, qui l’ait payé une fois pour toutes, et il l’a payé en subissant une espèce d’expropriation proportionnelle à la part de l’impôt.

Hors de là, les impôts qui ne peuvent pas être rejetés sur la consommation sont les impôts spéciaux qui atteignent telle ou telle industrie dont les objets ne sont pas d’une consommation générale. Je suppose par exemple qu’on impose d’une façon exagérée les étoiles de soie : comme la soie n’est pas une chose de première nécessité, de consommation générale, si le prix s’en trouve trop élevé par suite de l’addition de l’impôt, on ne l’achète plus ou on l’achète moins, et l’ouvrier comme l’industriel sont obligés de subir l’impôt sous peine de ne pas vendre les objets qu’ils produisent. Alors qu’arrive-t-il? Il arrive que l’ouvrier et le fabricant, trouvant moins à gagner dans cette industrie que dans d’autres, qui ne sont pas également grevées, la délaissent et s’en vont porter ailleurs leur travail et leurs capitaux. C’est une industrie qui se trouve ruinée par le fait de l’impôt.


II.

Nous voulons démontrer maintenant que, si les impôts en définitive, quelque forme qu’ils prennent, retombent toujours sur le con-