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propos délibéré, les néglige, se réservant de rappeler de temps en temps par un mot, une rapide allusion, qu’il est loin de les ignorer. La vie intime du monarque, sa physionomie, ses habitudes, son caractère, en un mot le revers de sa pourpre royale, ses vertus ou vices de ménage, comment il fut époux et père, comment il traitait, dans le secret de ses transactions privées, favorites et favoris, quels petits mobiles individuels eurent prise sur ses plus graves déterminations, et sa tournure, et son costume, et quels délassemens d’esprit ou de corps il préférait, et comment autour de lui vivaient les grands seigneurs, et au-dessous d’eux les bons bourgeois, et au-dessous encore le pauvre peuple, — voilà ce que veut raconter le romancier, historien par hasard, chroniqueur par goût, et qui, sans vouloir en trop élargir le champ, transporte dans le passé les précieuses facultés d’observateur qui l’ont fait un des plus excellens parmi les peintres moralistes de l’époque actuelle.

En recherchant, dès le début, l’origine de cette illustre maison de Hanovre, actuellement représentée par la reine Victoria, il arrive de prime saut aux conférences luthériennes de Wittenberg. Le duc Ernest de Zell y assiste, qui fut le père de Guillaume de Lunebourg. Zell, qui est maintenant une ville de dix mille âmes, sur le chemin de fer entre Hanovre et Hambourg, n’avait, au temps de Guillaume le Pieux, que d’humbles maisonnettes en bois, parmi lesquelles se dressait une vaste église de brique, assidûment fréquentée par le seigneur de l’endroit. Ce saint homme en sa vieillesse devint aveugle et perdit la raison. La musique des psaumes, exécutée par les gens de sa chapelle, avait seule le privilège de lui rendre quelques passagères lueurs de bon sens. Il avait eu sept fils et huit filles, quinze enfans fort mal pourvus de biens terrestres. On décida que les garçons tireraient au sort le droit, dévolu à un seul, de se marier et de perpétuer la race des guelfes. Ce privilège échut au sixième enfant mâle, qui devint le duc George, fit son tour d’Europe, visita la reine Elisabeth d’Angleterre, et, rentré chez lui, en 1617, épousa une princesse de Darmstadt. Ses frères, restés autour de lui « par calcul d’économie, » se marièrent de la main gauche ou demeurèrent garçons.

Un simple détail emprunté au docteur Vehse dira ce qu’était la cour de Zell : — « Le repas servi dans la grand’salle, un page portait à la ronde dans tout le château l’ordre exprès de ne plus jurer, blasphémer ou faire du tapage, comme aussi la défense de jeter du pain, des os, de la viande... ou d’en mettre dans sa poche. » Ajoutons qu’il était interdit au grand sommelier de laisser noble ou vilain pénétrer dans les caves.

Le duc George, qui avait étudié d’autres mœurs, s’ennuya de