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soirs-là, dit le programme, une conversation intéressante avec ses meilleurs élèves : on devine qu’il s’agit d’une conversation à coups de poing. Quoique ces répétitions soient inoffensives et que la violence des horions se trouve amortie par les gants, on peut pourtant alors se faire une idée de ce qu’est une lutte sérieuse en chair et en os.

Les Anglais donnent à la science de boxer une origine classique. Suivant eux, Homère a parlé de la box dans l’Iliade, comme d’un des jeux qui se célébrèrent en l’honneur de Patrocle. Je ne m’arrêterai point à l’histoire de cet exercice chez les Grecs et les Romains, ni même chez les Anglais des premiers âges. Les annales authentiques du cercle, tel qu’il se pratique aujourd’hui, ne remontent point au-delà de 1719, Il est vrai que depuis lors jusqu’à nos jours les chroniqueurs de l’art ont conservé avec soin le souvenir des principales batailles, tout aussi bien que les noms, la biographie et les titres personnels des lutteurs. Le premier qui obtint le titre de champion était un nommé Figg, qui tenait dans Oxford-street un amphithéâtre où l’on pratiquait la box et l’exercice du bâton. Depuis Figg, le titre a passé à travers toute une série d’athlètes connus qui se sont succédé les uns aux autres, et parmi lesquels je ne nommerai que le célèbre John Jackson, qui avait été, dit-on, page de George IV. La vérité est que le roi George IV avait un faible pour les fighting men (hommes qui ont pour métier de se battre). Lors de son couronnement, il engagea les services des dix-huit athlètes les plus renommés, sous les ordres de Jackson, pour garder les avenues qui conduisent à Westminster-Hall. Cette garde d’honneur, qui comptait parmi ses membres un nègre connu sous le nom de Richmond le Noir, portait le costume des pages. Jackson, surnommé gentleman Jackson, parce qu’il avait des manières plus distinguées que ses autres confrères, mérite surtout d’arrêter notre attention, parce que, s’il faut en croire les Anglais, il réchauffa dans son sein le génie de Byron. La vérité est que le poète l’appelait son vieil ami, le maître et le pasteur de l’ordre matériel. Lord Byron excellait, comme on sait, dans tous les exercices physiques ; mais dès sa plus tendre jeunesse il affectionnait avant tout le ring, dans lequel il se jeta corps et âme. « À Harrow, écrit-il dans une de ses lettres, je frayai ou plutôt je battis fort bien mon chemin. Je crois n’avoir perdu qu’une bataille sur sept. Mes combats les plus mémorables eurent lieu entre moi et Moryan, Rice, Rainsford et lord Jocelyn ; nous étions toujours après cela les meilleurs amis du monde. » En 1813, à la veille de publier la Fiancée d’Abydos, il avait dîné au club des boxeurs, où se trouvaient, bien entendu, son ami Jackson et un autre qu’il d’signe sous le sobriquet de Tom, — « un grand homme ! » Byron, si difficile d’ordinaire