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DOMINIQUE

DERNIERE PARTIE.


XII.

J’en avais fini avec les jours heureux[1] ; cette courte pastorale achevée, je retombai dans de grands soucis. À peine installés dans le petit hôtel qui devait leur servir de pied-à-terre à Paris, Madeleine et M. de Mièvres se mirent à recevoir, et le mouvement du monde fit irruption dans notre vie commune.

— Je serai chez moi une fois par semaine pour les étrangers, me dit Madeleine ; pour vous, j’y suis tous les jours. Je donne un bal la semaine prochaine ; y viendrez-vous ?

— Un bal !… Cela ne me tente guère.

— Pourquoi ? Le monde vous fait peur ?

— Absolument comme un ennemi.

— Et moi, reprit-elle, croyez-vous donc que j’en sois bien éprise ?

— Soit. Vous me donnez l’exemple, et je vous obéirai.

Le soir indiqué, j’arrivai de bonne heure. Il n’y avait encore qu’un très petit nombre d’invités réunis autour de Madeleine, près de la cheminée du premier salon. Quand elle entendit annoncer mon nom, par un élan de familiarité qu’elle ne tenait nullement à réprimer, elle fit un mouvement vers moi qui l’isola de son entourage et me la montra de la tête aux pieds comme une image imprévue de toutes les séductions. C’était la première fois que je la voyais ainsi, dans la tenue splendide et indiscrète d’une femme en toilette de bal. Je sentis que je changeais de couleur, et qu’au lieu de répondre à son regard paisible, mes yeux s’arrêtaient maladroitement

  1. Voyez la Revue du 15 avril et du 1er  mai.