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mettaient de faire avec lui une paix qui leur permît de l’imiter. Aujourd’hui que votre majesté, replacée sur le trône, y a fait remonter avec elle la justice, les puissances au profit desquelles ces engagemens ont été pris ne veulent pas y renoncer, et celles qui regrettent peut-être d’être engagées ne savent comment se délier. C’est, je crois, le cas de l’Angleterre, dont le ministre est faible. Les ministres de votre majesté pourraient donc rencontrer de tels obstacles qu’ils dussent renoncer à toute autre espérance que celle de sauver l’honneur; mais nous n’en sommes pas là[1]. »


M. de Talleyrand avait raison de penser qu’il n’en était pas encore réduit à se tenir pour battu. L’irritation avait d’abord été fort vive contre la note de M. de Talleyrand, et les propos tenus en dehors des conférences par les ministres étrangers témoignaient qu’ils trouvaient plus facile de s’en fâcher que d’y répondre. » On veut nous diviser, s’était écrié M. de Nesselrode; mais on n’y réussira pas. » M. de Humboldt prétendait que cette note était un brandon de discorde jeté au milieu d’eux. Dans une seconde entrevue du 3 octobre, M. de Metternich demanda formellement à M. de Talleyrand de la vouloir bien retirer; mais M. de Labrador l’avait déjà envoyée à sa cour : cela était donc impossible. La mauvaise humeur du chancelier autrichien était extrême.


« Il faudra donc que nous répondions. — Si vous le voulez, lui répondis-je. — Je serais, reprit-il, assez d’avis que nous réglassions nos affaires tout seuls, entendant par nous les quatre cours. — Je répondis sans hésiter : Si vous prenez la question de ce côté, je suis tout à fait votre homme; je suis prêt, et ne demande pas mieux. — Comment l’entendez-vous? me dit-il. — D’une manière bien simple : je ne prendrai plus part à vos conférences; je ne serai ici qu’un membre du congrès, et j’attendrai qu’il s’ouvre[2]. »


Cependant M. de Metternich, en y réfléchissant, n’insista point. Il y avait lieu de craindre, si on laissait la France se mettre volontairement à l’écart, qu’elle ne prît une influence trop considérable sur les états de second ordre, fort inquiets et jaloux de l’omnipotence que s’arrogeaient les quatre grandes cours. Il fallait transiger : on fit de part et d’autre quelques concessions. M. de Talleyrand proposa qu’on ajournât le congrès de quinze jours ou trois semaines. Cette idée fut assez goûtée; on se sépara toutefois sans rien décider. Le lendemain, M. de Metternich voulut avoir avec M. de Talleyrand une conversation préalable et toute confidentielle qui précédât l’ouverture de la troisième conférence. Comme il cherchait, pour le montrer à notre ambassadeur, un nouveau projet de déclaration qu’il ne pouvait trouver sur son bureau : — Probablement, dit en

  1. Lettre particulière de M. de Talleyrand à Louis XVIII, 4 octobre 1814.
  2. Lettre de M. de Talleyrand au roi Louis XVIII, 9 octobre 1814.