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heure, à mener une vie sobre et réglée, à prendre chaque jour de l’exercice, à pratiquer de fréquentes ablutions. Il y a près de deux ans, un autre Anglais nommé Andrew se donna pour tâche de parcourir quatre-vingt-trois milles sur une route contrariée par de dures collines. Parti à cinq heures du matin, il atteignait le terme de son voyage à dix heures et demie du soir. À la grande surprise des habitans, il ne paraissait point du tout fatigué, et offrit de marcher soixante milles par jour, durant six jours de suite, si on voulait lui promettre une somme d’argent raisonnable. La gageure fut acceptée, et Andrew remplit aisément les conditions du programme. Ce ne sont pas seulement les hommes qui se livrent à cet exercice : l’année dernière, les rues de Windsor étaient encombrées de spectateurs accourus de tous les environs pour assister aux débuts d’une jeune femme qui avait promis d’aller et de revenir cinq fois en quatre heures et demie de Town-Hall à Salt-Hill. Cela faisait un espace de vingt milles à couvrir dans la limite de temps fixée par le traité. À cinq heures, elle apparut tout habillée de mousseline blanche. Cette pédestrienne avait une vingtaine d’années, des formes admirables et une jolie figure ; elle partit les bras relevés, les coudes à la hauteur des hanches et la tête droite, se conformant ainsi, dans son attitude, à toutes les exigences du style professionnel. Est-il besoin d’ajouter qu’elle accomplit sa tâche dans le temps qui était dû, comme disent les Anglais ? Ces défis se renouvellent sous toutes les formes et souvent pour des sommes considérables : deux gentlemen, l’honorable Formor et le capitaine Lumley, conclurent dernièrement entre eux un walking match dont le prix était de 100 guinées. Le moyen de s’étonner après cela que les Anglais soient d’excellens voyageurs et qu’on retrouve la trace de leurs pas dans les neiges du pôle, sur le sable du désert, dans les steppes brûlans ou glacés, et jusque sur le sommet des plus hautes montagnes ? Il est également aisé d’apercevoir les avantages de cette force de locomotion appliquée au travail et à l’industrie. Je n’en signalerai qu’un exemple : il existait il y a quelques années, près de Gloucester, un jeune garçon employé dans une grande briqueterie, et qui, une hotte chargée d’argile blanche sur le dos, marchait ou plutôt courait tous les jours le long d’un espace de soixante milles. N’est-il point triste de songer qu’à la fin de dix heures de course, durant lesquelles il transportait plus de 24 tonnes d’argile, ce pêdestrien sans le savoir recevait pour tout salaire une demi-couronne ?

Aux walking matches (défis à la marche) se sont en grande partie substitués, dans ces derniers temps, les running matchcs (défis à la course). Ce dernier exercice a été encouragé par plusieurs membres de l’aristocratie anglaise. Près d’Epsom, sir Gilbert Heathcote donne tous les ans sur sa terre des Hardens une fête pédes-