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débats se portent avec ardeur sur les questions coloniales, l’attention publique n’est pas moins préoccupée des événemens qui, aux Indes orientales, se passent au sud de Bornéo, dans le Banjermassin. On sait que les Hollandais soutiennent dans cette région une guerre coloniale contre les indigènes qui se révoltèrent, il y a deux ans, en faisant des blancs un affreux massacre. Les dernières nouvelles de cette guerre sont assez bonnes ; elle, annoncent la capture et l’arrivée à Batavia d’un des chefs de la révolte. Pour ses colonies des Indes occidentales, la Hollande agite la question de l’émancipation des noirs. L’ancien cabinet avait présenté sur ce point un projet de loi qui avait été bien accueilli, et que la seconde chambre ne tardera sans doute point à reprendre. Pendant ses longues vacances, la chambre a pu terminer l’enquête qu’elle avait ordonnée, d’accord avec le ministre de la marine, sur l’état des forces navales de la Hollande. Cette enquête se terminait au moment même où les nouvelles d’Amérique apportaient à l’Europe les premières expériences de combat de la marine cuirassée. La Hollande s’est émue, elle aussi, des prouesses du Merrimac et du Monitor, et pense à conformer sa flotte aux exigences de la marine moderne.

Tout le nord de l’Europe est dans une pénible attente et dans une incertitude profonde. Le gouvernement prussien, comme s’il n’avait pas assez de l’agitation électorale qui le tient en échec à l’intérieur, ou plutôt sans doute dans le désir de créer une diversion, a adressé à M. de Balan, son représentant à Copenhague, une nouvelle dépêche à la fin de mars. Que peut répondre le malheureux Danemark, sinon ce qu’il a répété cent fois ? Accorder à l’Allemagne le droit d’intervenir dans les affaires du Slesvig, ce serait signer sa déchéance. La menace du mois de février 1861 continue à peser sur le Danemark ; il peut voir à chaque instant son indépendance nationale menacée par les suites inévitables d’une exécution fédérale ; il connaît le danger et s’y prépare en multipliant ses armemens. L’armée est mise sur le pied de guerre, prête à marcher au premier signal ; de formidables fortifications s’élèvent à Frederitz, sur le Petit-Belt, sur les hauteurs de Dubbel, le long de la côte orientale du Slesvig, et dans l’île d’Als, toute voisine, devenue ainsi place d’armes et lieu de retraite imprenable. En même temps on met en état de défense le vieux boulevard du Dannevirke, qui, dès le Xe siècle, a protégé le Slesvig ou Jutland méridional contre les Allemands. Grâce aux différens cours d’eau dont il est bordé et qui sont contenus aujourd’hui, on prépare les moyens d’arrêter longtemps par une immense inondation les efforts d’une armée ennemie. La plus grande force des Danois contre l’Allemagne a toujours été leur flotte militaire, montée par de hardis marins exercés et habitués dès l’enfance. À l’aide de cette flotte, ils ont gagné des victoires il y a douze ans, et ils recommenceraient à bloquer les différens ports de la Prusse ; mais les nouvelles d’Amérique les ont mis en émoi, comme toutes les puissances maritimes ou aspirant à le devenir, s’il est vrai que l’expérience du marin ne doive être plus rien en guerre, et