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nomiste distingué, M. de Molinari. — L’empereur Alexandre a débuté dans les réformes politiques par l’émancipation des serfs, et il est impossible que dans un temps prochain cette mesure n’entraîne point l’établissement en Russie d’institutions représentatives. Dans le cercle des intérêts économiques, les tendances nouvelles de la Russie ne sont pas moins remarquables. Il y a eu de la part de ce grand pays un effort marqué pour se lier plus étroitement à cette immense association que forme naturellement au sein du monde moderne l’ensemble des intérêts d’industrie et de finances. La Russie a terminé son premier réseau de chemins de fer, celui précisément qui la soude à l’Europe. Les questions de circulation monétaire n’ont pas moins d’importance pour les rapports internationaux que les questions de voies de communication et de transport. A l’égard de sa circulation monétaire intérieure, la Russie était depuis quelque temps dans une situation irrégulière. A la suite de la guerre de Crimée, les banques russes, dont l’état avait absorbé les réserves métalliques, n’avaient plus assez de numéraire pour soutenir une circulation normale de papier convertible. De là, au détriment de la Russie, une constante baisse des changes. C’est à cette situation que le gouvernement russe se propose de mettre un terme au moyen de l’emprunt de 375 millions de francs en 5 pour 100 qu’il vient de négocier à MM. de Rothschild frères. Avec cette somme, le gouvernement mettra les banques en état de subvenir aux besoins de la circulation métallique. Pour atteindre un tel objet, la Russie a bien fait de recourir au crédit. La Russie est en effet du petit nombre des grands états européens qui ont maintenu la valeur de leur crédit par leur fidélité à remplir leurs engagemens. Si à ce titre le crédit de la Russie était très élevé sous l’empereur Nicolas, qui n’employait guère pourtant le produit de ses emprunts qu’à d’absurdes et improductives dépenses militaires, le crédit russe semble appelé à obtenir une faveur plus grande encore sous l’empereur Alexandre, qui veut consacrer exclusivement les sommes qu’il emprunte à l’amélioration économique de son pays et les employer en dépenses productives.

Le moment est opportun pour parler de la Hollande, car, après plusieurs mois d’absence et après les complications d’une longue crise ministérielle, le parlement hollandais vient de se réunir. Nous avions laissé les affaires de Hollande au moment où le ministère van Heemstra avait vu rejeter plusieurs chapitres de son budget et où la chute de ce cabinet paraissait certaine. M. van Heemstra n’eût pu tenter de garder le pouvoir qu’en essayant d’une dissolution de la chambre; mais la dissolution n’eût pas été prudente, car, d’après la loi fondamentale, cette année même, au mois de juin, doit avoir lieu le renouvellement de la moitié des chambres. Il ne fallait pus songer à un simple remaniement du cabinet. L’opinion générale en Hollande, au sein même des partis opposés, était que les combinaisons à compromis et à nuances effacées avaient fait leur temps, qu’il fallait au contraire au gouvernement des idées nettes et tranchées, soutenues par des