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ne pas s’arrêter, mais que d’autres ne peuvent aborder avec les mêmes droits et la même convenance.

Sir Robert Peel traitait avec une dédaigneuse ironie les financiers amateurs qui avaient toujours un budget dans leur poche, une dépense à réduire, une taxe à supprimer. Je ne me donnerai pas, dans mon cabinet, sans examen contradictoire avec qui que ce soit, sans autres renseignemens que ceux que contient le budget, le ridicule d’une entreprise qui, grâce aux entraves apportées à la prérogative parlementaire, se peut à peine tenter dans l’enceinte législative. Cependant, comme il ne me plaira jamais de paraître reculer devant une difficulté, je dirai ma pensée sur un point important La réduction de l’armée est un des buts que semblent poursuivre quelques personnes. Or un effectif de 400,000 hommes, comprenant ce qui est employé hors du territoire, n’a rien d’exagéré, et il serait difficile de descendre au-dessous. Cet effectif était de 340,000 hommes en 1847, avec la Savoie de moins et sans expéditions lointaines en cours. Il est vrai que la dépense proportionnelle était sensiblement moins forte qu’aujourd’hui, ce qui tient à des causes sur lesquelles nous pouvons fonder l’espoir d’économies sans courir le risque de désorganiser ou d’affaiblir l’armée. C’est sur les corps privilégiés, c’est sur des changemens coûteux, sur des transformations souvent peu motivées, que ces économies peuvent porter. Le ministère de la guerre, sous son chef actuel, présente toutes les garanties d’une bonne administration. L’armée, en temps de paix, coûterait beaucoup moins cher qu’elle ne coûte, si des réformes qui n’ont rien de dangereux ni de chimérique étaient opérées, si des limites étaient fixées, si la marche à suivre était invariablement arrêtée[1].

Afin d’expliquer, dans l’ensemble du budget de 1863, les larges prévisions de quelques services et pour s’opposer à la réduction de quelques autres, on allègue, non sans fondement, que la suppression des crédits supplémentaires exige qu’une certaine latitude soit laissée à l’exercice du droit de virement. Il faut, dit-on, que l’excédant de certains chapitres permette de faire face aux besoins im-

  1. La réduction de 32,000 hommes et de 2,500 chevaux annoncée au commencement d’avril est un acte louable, mais ce n’est que l’exécution d’engagemens pris et non tenus encore. Le budget de 1862 a été voté en prévision d’un effectif de 400,000 hommes et de 85,000 chevaux, qui doit être aussi celui de 1863. Au 1er janvier 1862, ’est l’Exposé des motifs du Budget de 1863 qui nous l’apprend, cet effectif était encore de 446,000 hommes et de 87,500 chevaux. Pour maintenir l’armée sur ce pied, il a donc fallu recourir aux crédits extraordinaires; il en aurait fallu de nouveaux pour prolonger cette situation irrégulière, La mesure ainsi envisagée reste ce qu’elle est réellement, la réparation d’un tort, l’accomplissement d’une promesse différée; elle n’exercera aucune influence sur le budget de 1863.