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par les chambres a été de faire dépenser à la France 1 milliard 249 millions (en moyenne annuelle, 73 millions) de plus que les prévisions des budgets, d’autre part, dans les neuf premières années du régime nouveau, les sommes dont le corps législatif n’a eu qu’à homologuer l’emploi, au lieu de le prévoir et de le régler, se sont élevées à 2 milliards 939 millions (en moyenne annuelle 325 millions).

On a déjà répondu : « Ces neuf années ont vu la guerre de Crimée et la guerre d’Italie. » Cela est vrai; mais M. le ministre des finances, dans l’exposé de motifs du budget extraordinaire de 1863, constate que ces deux guerres n’ont absorbé que 1 milliard 800 millions sur les 2 milliards 590 millions empruntés. En déduisant des 1 milliards 039 millions de dépenses supplémentaires et extraordinaires ce qui s’applique aux trois années de guerre, il resterait encore plus de 1 milliard pour les six autres années, et en moyenne plus de 160 millions par an. Si, par une opération du même genre, on fait, pour la période comprise entre 1830 et 1848, abstraction des arméniens extraordinaires qui pesèrent sur les années 1840 et 1841, on abaisse la moyenne annuelle de cette période à 55 millions.

Pour justifier l’augmentation des dépenses, ce n’est pas assez que d’invoquer notre gloire militaire. Oui, la France, outre les guerres de Crimée et d’Italie, a fait celles de Chine et de Cochinchine, elle est allée en Syrie, elle occupe Rome, elle commence en ce moment au Mexique une expédition nouvelle; l’Algérie est pacifiée, et une brillante campagne nous a soumis la Kabylie. Personne n’a perdu ces souvenirs, personne n’y est indifférent, même parmi ceux qui réservent leur jugement sur l’à-propos et l’utilité de certaines entreprises; mais notre mémoire peut sans efforts remonter plus loin. La France de l’empire n’a pas seule payé sa dette à nos annales. L’expédition de Belgique, la prise d’Anvers, les expéditions du Tage, d’Ancône, de Saint-Jean d’Ulloa, de Mogador, ne peuvent être oubliées. Alger avait été glorieusement légué par la restauration; mais c’est sur l’époque dont je compare le bilan à celui de l’époque actuelle que pèsent les sommes immenses consacrées à la conquête de l’Algérie. Notre marine s’était transformée dans les dernières années de la monarchie, et malgré les révolutions l’opinion s’est montrée juste pour la jeune et généreuse initiative qui avait donné à la France la flotte la plus puissante qu’elle eût possédée jusque-là. Depuis l’avènement de l’empire, les travaux publics n’ont été dotés en moyenne annuelle que de 70 millions; les neuf dernières années du régime précédent offrent une moyenne de 120 millions.

Enfin (ce qu’il est indispensable de ne jamais perdre de vue,