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déjà être plus considérable qu’il ne l’a été. On a cherché à reculer cette nécessité, et afin de rendre le présent moins lourd, on a rejeté sur l’avenir la presque totalité de charges dont il n’est pas certain que l’avenir recueille, pour la grandeur et la prospérité de la France, tous les avantages qu’on fait briller à nos yeux. Quoi qu’il en soit, la dette publique a pris des proportions si élevées, que le gouvernement, reculant avec raison devant de nouveaux emprunts, sa trouve placé entre l’économie et les impôts, et jusqu’à ce moment c’est pour les impôts seuls qu’il se prononce. S’il persévère dans cette voie, le tableau qui précède peut servir à montrer où nous marcherons. La troisième colonne indique l’excédant des dépenses faites sur les prévisions des budgets, et par conséquent sur les ressources normales de l’état, soit, en d’autres termes, les erreurs ou les mécomptes dans les appréciations. Ces erreurs, ces mécomptes, se résument en allocations supplémentaires et extraordinaires, soit que le gouvernement obtienne ces allocations par des décrets tardivement soumis à la sanction du corps législatif, soit qu’il les demande à des lois spéciales, ainsi que le prescrit le sénatus-consulte du 31 décembre 1861. On comprend donc aisément que la charge pèse lourdement sur des années même dont les budgets sont considérés comme s’étant soldés en excédant, c’est-à-dire sur des années où les recettes opérées, à quelque titre que ce soit, ont fini, malgré l’imprévu, malgré les mécomptes éprouvés dans les prévisions, par faire plus que balancer les dépenses. Ce résultat final prouve simplement que des ressources imprévues ou créées extraordinairement, après avoir comblé le déficit, ont laissé un certain boni définitif. Quand les excédans sont la conséquence d’augmentations du revenu public par la plus-value du produit des impôts existans, le mal n’est pas grand; mais quand des excédans sont dus à des reliquats d’emprunts ou à d’autres ressources extraordinaires, loin d’être rassurans, ils sont un vrai péril, car ils disposent à dépenser au-delà du revenu normal. Il ne faut donc pas trouver dans l’équilibre seul des budgets la preuve d’une bonne administration financière. L’équilibre peut s’acheter par des impôts ou par des emprunts; il n’a de signification réelle que quand il est obtenu par l’économie et par le discret emploi des ressources normales. C’est pour ce motif que les chiffres portés à la troisième colonne du tableau des dépenses comparées des deux périodes (1831-48 et 1852-61), très différens des soldés en excédant (sur la nature et sur la cause desquels on peut discuter), ont un caractère de certitude absolue. Ces chiffres montrent que si d’une part, dans les dix-sept dernières années du régime parlementaire, aujourd’hui tant décrié, le résultat financier d’une administration contrôlée et d’une politique contenue