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Ces comparaisons, que je ne pousserai pas plus loin, seront utilement complétées par un aperçu des résultats généraux des budgets de 1830 à 1848, rapprochés de ceux de 1852 à 1861. On y verra d’un seul coup d’œil quelle a été, dans chaque période, la différence entre les prévisions et les dépenses effectuées, ou, ce qui revient au même, quelle a été la somme totale des crédits extra-budgétaires :


Dépenses prévues et votées Dépenses définitives Excédant des dépenses sur les prévisions.
Période de 1831 à 1848.
Total des dix-sept années 20,596,000,000 fr. 21,884,000,000 fr. 1,249.000,000 fr.
Moyenne annuelle 1,212,000,000 1287,000,000 73,660,000
Période de 1852 à 1861.
Total des neuf années 14,828,000,000 17,767,000,000 2,939,000,000
Moyenne annuelle 1,047,000,000 1,973,000,000 326,000,000

Après s’être élevées de 1 milliard 219 millions (en 1831) à 1 milliard 629 (en 1847) dans l’espace de dix-sept ans, les dépenses ont monté, dans les neuf dernières années, de 1 milliard 513 millions (en 1852) à 2 milliards 167 millions (en 1863). La différence entre la première et la dernière année de la première période est de 410 millions; elle est de 654 millions entre la première et la dernière année de la seconde période. Il est naturel que les dépenses d’un grand pays s’accroissent en même temps que ses ressources se développent[1]. Tout homme de bonne foi reconnaîtra l’existence de cette loi générale, se bornant à trouver que la marche ascendante a été trop rapide. D’ailleurs deux conditions manquent absolument pour que cette loi de progression normale puisse être invoquée comme justification suffisante. Ce n’est pas au moyen des ressources ordinaires du pays qu’il a été pourvu aux excédans de dépenses des dix dernières années; c’est au moyen des emprunts, c’est au moyen des 3 milliards ajoutés à la dette publique. En outre l’amortissement a cessé de fonctionner, et les impôts ont été augmentés, non pas seulement dans le produit, ce qui pourrait n’être qu’un signe d’accroissement de la richesse publique, mais dans la quotité et dans l’assiette. Sous ce rapport, nous ne sommes pas au bout, et s’il n’avait pas été fait de si fréquens et si énormes appels au crédit, le recours à l’impôt aurait dû depuis longtemps

  1. La France vient de s’adjoindre la Savoie, dont les produits comme les charges entrent dans les derniers budgets. Cette acquisition utile, qui nous donne les Alpes pour frontière, coûtera d’abord peut-être plus qu’elle ne rapportera. Je ne pense pas cependant qu’il faille chercher là une cause d’augmentation bien sensible dans les dépenses ; celles du gouvernement central ne peuvent en être affectées : tout se réduit à l’administration locale et aux services militaires.