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je m’explique maintenant beaucoup mieux certaines bizarreries de votre esprit, qui sont les vrais caractères de votre pays natal.

Je trouvais le plus grand plaisir à l’introduire ainsi dans la familiarité de tant de choses étroitement liées à ma vie. C’était comme une suite de confidences subtiles qui l’initiaient à ce que j’avais été, et l’amenaient à comprendre ce que j’étais. Outre la volonté de l’entourer de bien-être, de distractions et de soins, il y avait aussi ce secret désir d’établir entre nous mille rapports d’éducation, d’intelligence, de sensibilité, presque de naissance et de parenté, qui devaient rendre notre amitié plus légitime en lui donnant je ne sais combien d’années de plus en arrière.

J’aimais surtout à essayer sur Madeleine l’effet de certaines influences plutôt physiques que morales auxquelles j’étais moi-même si continuellement assujetti. Je la mettais en face de certains tableaux de la campagne choisis parmi ceux qui, invariablement composés d’un peu de verdure, de beaucoup de soleil et d’une immense étendue de mer, avaient le don infaillible de m’émouvoir. J’observais dans quel sens elle en serait frappée, par quels côtés d’indigence ou de grandeur ce triste et grave horizon toujours nu pourrait lui plaire. Autant que cela m’était permis, je l’interrogeais sur ces détails de sensibilité tout extérieure. Et lorsque je la trouvais d’accord avec moi, ce qui arrivait beaucoup plus souvent que je ne l’eusse espéré, lorsque je distinguais en elle l’écho tout à fait exact et comme l’unisson de la corde émue qui vibrait en moi, c’était une conformité de plus dont je me réjouissais comme d’une nouvelle alliance.

Je commençais ainsi à me laisser voir sous beaucoup d’aspects qu’elle avait pu soupçonner, mais sans les comprendre. En jugeant à peu près des habitudes normales de mon existence, elle arrivait à connaître assez exactement quel était le fond caché de ma nature. Mes prédilections lui révélaient une partie de mes aptitudes, et ce qu’elle appelait des bizarreries lui devenait plus clair à mesure qu’elle en découvrait mieux les origines. Rien de tout cela n’était un calcul ; j’y cédais assez ingénument pour n’avoir aucun reproche à me faire, si tant est qu’il y eût là la moindre apparence de séduction ; mais que ce fût innocemment ou non, j’y cédais. Elle en paraissait heureuse. De mon côté, grâce à ces continuelles communications qui créaient entre nous d’innombrables rapports, je devenais plus libre, plus ferme, plus sûr de moi dans tous les sens, et c’était un grand progrès, car Madeleine y voyait un pas fait dans la franchise. Cette fusion complète et de tous les instans dura sans aucun accident pendant deux grands mois. Je vous cache les blessures secrètes, sans nombre, infinies ; elles n’étaient rien, si je les com-