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venus du dehors, tantôt des mandemens de nos évêques, tantôt des discussions de nos chambres. C’est en intervenant entre la papauté et l’Italie, en se plaçant entre elles avec la force matérielle, comme nous le faisons à Rome par notre garnison, avec la pression morale, comme vont le faire les évêques dans leur adresse au pape, que l’on creuse entre elles une séparation dont on n’aperçoit plus le terme. Ah ! les évêques ne veulent pas remercier la France de l’aide militaire qu’elle prête au pape contrairement à tous les principes de notre révolution ! Pour ce qui nous concerne, nous n’avons pas regret à cette impolitesse, car nous n’eussions point été flattés pour la France du compliment ; nous nous en féliciterions plutôt, si cette ingratitude affectée servait de leçon à ceux par la volonté desquels se prolonge à Rome le séjour de nos troupes. Nos regrets comme nos pensées vont d’ailleurs plus haut et plus loin. Nous gémissons de voir un si grand nombre d’évêques, représentant l’ensemble de la hiérarchie catholique, prendre un parti radical et irrévocable dans la question du pouvoir temporel, opposer de la part du monde catholique un refus absolu et inflexible aux ardentes et légitimes aspirations d’un peuple, et brouiller de gaîté de cœur pour jamais la papauté avec l’Italie, avec cette Italie où, par une inconcevable inconséquence, on prétend asseoir sa domination perpétuelle. Comment ces esprits, chargés de la conduite des âmes, ne s’aperçoivent-ils pas que le pouvoir politique des papes a cessé d’être une réalité vivante, n’est plus que l’ombre d’une tradition, et ne sera bientôt qu’un souvenir ? Un souvenir peut être une chose auguste et sainte ; mais faut-il, pour lui rendre une vie impossible, aller au-devant de si grands périls, encourir de si grands maux ? Le lieu le plus sacré dans les mémoires chrétiennes, ce n’est pas Rome, c’est le coin de terre où naquit et mourut le Christ, c’est l’étable de Bethléem, c’est le sépulcre de Jérusalem ; mais la naïve ferveur des croisés est éteinte depuis longtemps, et vous consentez à partager vos plus vénérables sanctuaires avec les hérétiques et les schismatiques sous la domination du musulman, vous qui disputez sa capitale à un peuple catholique, au risque de le jeter dans le schisme !

Nous espérons, et c’est notre vœu le plus sincère, que les Italiens accueilleront avec le calme que donnent la conscience du bon droit et la certitude du succès final cette intempestive protestation des évêques réunis à Rome. Nous avions eu raison de compter sur la modération que montrerait le parlement italien à propos des tristes incidens de Sarnico et de Brescia. La sage conduite du gouvernement dans ces affaires a obtenu l’approbation énergique du parlement, et la fermeté sensée de M. Rattazzi a eu facilement raison des interpellations du parti exalté. Ainsi que nous l’avions pensé, le général Garibaldi n’était pour rien dans les folles visées de ceux qui avaient préparé une agression contre l’Autriche, et il avait cédé à un mouvement de pure générosité en s’efforçant de couvrir quelques-uns de ses amis compromis. L’Autriche a, dans cette circonstance, montré un très grand calme