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solument à coopérer à cette occupation. Quant à l’Espagne, elle est écartée, parce que, dans la disposition où sont les esprits au Mexique à l’endroit de la Péninsule et de tout ce qui en émane, on ne saurait demander aux Mexicains de tolérer la présence d’une garnison espagnole à Mexico et à la Vera-Cruz. Ils y verraient le rétablissement de la domination de leur ancienne métropole. Une troupe française au contraire, par le désintéressement évident de notre politique en cette affaire, par l’admirable discipline de nos soldats et par le génie propre à notre nation, serait mieux ou moins mal en position que toute autre d’occuper avec l’assentiment des Mexicains quelques points principaux du pays, afin de préserver de malheur le nouveau trône pendant qu’il prendrait son assiette.

Il ne faut pourtant pas s’exagérer cette difficulté. L’occupation devra être essentiellement temporaire. S’il est vrai, ainsi que tout porte à le croire, que la nation mexicaine soit fatiguée du régime politique sous lequel elle dépérit, s’il est constant que son vœu à peu près unanime soit pour l’établissement d’une monarchie, l’archiduc Ferdinand-Maximilien, avec le caractère bienveillant et les lumières qu’on lui attribue, doit réunir en un faisceau les volontés jusqu’alors discordantes, et rétablir au Mexique en peu de temps les organes les plus essentiels de la vie politique et administrative. Il aurait donc bientôt une armée nationale sur le concours dévoué de laquelle il pourrait compter, et qui le dispenserait de l’assistance d’un corps étranger, dont la présence avec son drapeau déployé affecte toujours péniblement le sentiment patriotique d’une nation. Que si au contraire la monarchie nouvelle se traînait misérablement, comme l’a fait la république mexicaine, si après quelque temps d’essai elle restait impuissante à se soutenir d’elle-même, par ses seules forces et son seul ressort, elle n’aurait plus aucun titre aux sympathies actives de l’Europe, et il faudrait abandonner le Mexique à ses malheureuses destinées. Aussi bien à l’état monarchique qu’à l’état républicain, il serait démontré alors que ce serait une nation et une société sans vitalité. Nous avons un meilleur usage à faire de nos ressources et de nos efforts que de nous évertuer à l’œuvre impossible de faire marcher les morts.

Quelque courte qu’elle dût être, l’occupation de la capitale et de quelques points principaux du Mexique par une force française soulèverait en France même des objections graves. L’opinion ne voit pas de bon œil les dépenses qui semblent ne profiter qu’à l’étranger. Si donc cet expédient était adopté pour soutenir le nouveau trône, il ne serait pas hors de propos qu’il fût bien entendu qu’aussitôt que la trésorerie mexicaine cesserait d’être un coffre vide, les frais d’une occupation toute dans l’intérêt de la nation mexicaine seraient supportés par elle.