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chelieu. Nourrie des informations les plus neuves et les plus curieuses, la narration de l’éminent historien entraîne le lecteur en l’instruisant.

On ne peut porter en passant un jugement superficiel sur un tel livre, qui offre de si nombreux sujets de méditation à l’homme politique. Il nous suffit de dire que l’on y verra le récit des fautes que nous recommençons sans cesse et que nous devrions pourtant essayer d’éviter, puisque nous en avons le tableau si vivant encore dans un passé si peu éloigné de nous. On y verra ce que produisent des institutions ébauchées, que personne ne sait conduire dans leurs développemens nécessaires et ne sait pousser à un achèvement définitif. On y verra à quels avortemens sont exposés des hommes distingués qui sont condamnés par le malheur des temps ou l’infirmité de leur volonté à marcher au jour le jour, d’expédiens en expédiens, à des conséquences imprévues. On y verra, en matière de constitution comme en fait de conduite, des erreurs dont nous avons encore aujourd’hui à nous défendre. On y sera frappé des effets inévitables de cette incohérence politique de laquelle nous nous plaignions tout à l’heure. Pour revenir aux derniers débats du corps législatif les députés qui blâment, avec M. Pouyer-Quertier, notre politique financière, parce qu’elle ne s’est pas ajustée à notre politique commerciale, pensent-ils être eux-mêmes à l’abri du reproche d’inconséquence? La politique financière n’est-elle pas elle-même étroitement liée à la politique générale? Ces découverts, cette dette flottante auxquels il s’agit maintenant de mettre une limite, ne sont-ils pas le résultat de la politique générale, soit que les combinaisons de cette politique n’aient pas été maintenues dans un rapport exact avec nos ressources financières, soit que les moyens de la contrôler par la presse et par les chambres n’aient pas été suffisans? Aujourd’hui enfin de nouveaux moyens de contrôle sont offerts aux chambres. Il va dépendre d’elles d’opter entre la réduction des dépenses ou l’augmentation des impôts; les députés protectionistes sentent-ils que la logique veut qu’ils demandent que les dépenses soient réduites et que les taxes ne soient pas aggravées? Nous allons voir s’ils auront la volonté et le courage d’être plus conséquens qu’ils ne l’ont été jusqu’à ce jour.

Du reste, les protectionistes n’ont pas été les seuls à se contredire dans leurs pensées et dans leurs paroles. Ils ont rencontré dans un ministre-orateur un adversaire éloquent. Nous rendons la justice qu’il mérite au grand discours que M. Baroche a prononcé dans cette circonstance, un discours qui épuisait la matière, exhaustive, comme les Anglais disent d’un seul mot; mais nous sommes bien obligés de relever dans ce discours des traces de cette confusion d’idées à laquelle n’échappent pas parmi nous les esprits les plus distingués. Pourquoi par exemple, quand on défend le traité de commerce, se donner tant de mal pour atténuer les chiffres de l’importation des produits anglais en France? Apparemment, si l’on a fait ce traité, c’est pour qu’il entre en France des marchandises anglaises, et qu’il en entre le plus possible, car il n’en arrivera jamais plus que la consommation