Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

représente les races chevaline et bovine, on arrive au total de 58 têtes par 100 hectares de superficie, proportion très élevée et qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, pas même dans les îles britanniques. La Belgique est ainsi le pays de l’Europe qui, à surface égale, entretient le plus de bétail, et où par conséquent la fertilité du sol est le mieux garantie.

Tous les chiffres, tous les faits que nous venons de grouper se réunissent, on le voit, pour démontrer que l’agriculture belge doit être placée au premier rang à côté de celles de l’Angleterre et de la Lombardie ; mais en résulte-t-il qu’elle tire du sol tout ce qu’il peut donner et qu’elle n’ait plus de progrès à faire ? Il s’en faut de beaucoup. Il reste encore au moins 200,000 hectares de terres incultes à rendre productives en leur faisant porter soit des bois, soit des récoltes annuelles. Bien des parties trop humides exigeraient un drainage complet. Si les bâtimens de fermes sont à peu près partout en bon état, et même dans plus d’un district construits à trop grands frais, il n’en est pas de même des habitations des classes inférieures de la campagne, qui laissent encore beaucoup à désirer malgré l’amélioration qu’on peut constater dans les demeures bâties durant ces dernières années généralement en briques, et mieux appropriées aux besoins d’une famille agricole. Le chiffre qui représente le gros bétail paraît, il est vrai, satisfaisant, et néanmoins dans certaines parties du pays les étables devraient être plus largement garnies, et dans d’autres régions il faudrait améliorer les races et surtout les mieux nourrir, afin d’augmenter leur produit. L’agriculture devrait aussi parvenir à récolter la quantité entière de blé dont la nation a besoin, non pas précisément en consacrant plus de terrain aux céréales, mais en produisant plus de blé sur la même étendue par l’application d’une plus grande masse d’engrais, obtenue moyennant plus d’extension, donnée à la culture des plantes fourragères et plus de soin appliqué à recueillir les vidanges dans les villes[1]. Enfin il serait temps de faire disparaître complètement la jachère des cantons où elle s’est encore maintenue, car cette pratique n’est plus à sa place dans un pays où les fruits de la terre se vendent aussi cher et se transportent aussi facilement qu’en Belgique.

Après avoir énuméré quelques-uns des progrès les plus indiqués qui restent à accomplir, on est heureux de pouvoir ajouter qu’il ne faut pas désespérer de les voir réaliser. L’attention publique se porte de plus en plus vers tout ce qui tient à l’économie rurale. Un grand nombre d’associations, nées en partie de l’initiative individuelle,

  1. Nulle part cette importante question, si bien comprise en Chine, n’est mieux traitée que dans les nouvelles Lettres sur la Chimie agricole de l’illustre chimiste allemand Liebig. Voyez aussi l’étude de M. Payen dans la Revue du 15 février dernier.