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LE SOIR
D’UN JOUR DE MARCHE

On sait que M. Victor Hugo vient de terminer une grande composition romanesque intitulée les Misérables. L’épisode qu’on va lire a sa place marquée dans la première partie de ce nouvel ouvrage, dont la publication est prochaine[1]. Il forme un tableau complet, mais l’ensemble émouvant auquel il se rattache a trop d’importance pour qu’on n’en dise pas ici quelques mots. M. Victor Hugo s’est proposé de décrire dans les Misérables la vie du XIXe siècle, comme il avait décrit dans Notre-Dame de Paris la vie du moyen âge. Dans le cadre d’une action romanesque qui ne comprendra pas moins de cinq parties, chacune de deux volumes, il a groupé tous les types qui peuvent l’aider à caractériser la société de notre temps, à la montrer surtout, comme le titre l’annonce, dans ses luttes et dans ses douleurs. Il n’appartenait qu’à un grand poète d’être à la hauteur de cette tâche, et d’y apporter cette élévation sereine qui est un des plus précieux dons de la muse. Dès les premières pages des Misérables, on sent circuler à travers l’œuvre ce souffle de tendresse généreuse qui l’animera jusqu’au bout. Il n’y a point là de parti-pris : l’auteur est toujours juste, quoique toujours ému. La figure qui domine au début du livre est celle d’un évêque, d’un vrai pasteur d’âmes, qui marche à travers la vie les mains pleines d’aumônes et les yeux tournés vers le ciel. Une série de scènes familières et touchantes met en relief les divers traits de cette physionomie vraiment chrétienne. Il reste cependant à la compléter par un dernier contraste, et c’est ici que commence le dramatique épisode que nous allons citer.

  1. A Paris, chez Pagnerre; à Bruxelles, pour l’étranger, chez Lacroix, Verboeckhoven et C°, éditeurs.