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de labeur à la terre pour tirer parti de ses qualités ou pour compenser celles qui lui font défaut.

Il est cependant un point où la Belgique l’emporte incontestablement, c’est la valeur vénale de sa propriété foncière. Nulle part on ne rencontrerait un bloc de 3 millions d’hectares qui représente un capital aussi énorme. La statistique de 1846, dont les résultats avaient été contrôlés par des recherches minutieuses faites au département des finances, portait ce capital à plus de 6 milliards et demi, ce qui revenait à plus de 2,300 francs par hectare de la superficie totale, tandis que M. Caird n’arrive, pour la valeur du sol anglais, qu’à 2,000 francs, M. Jacini qu’à 1,100 francs pour le sol lombard, et qu’en France on ne peut estimer l’hectare en moyenne à plus de 1,500 ou 1,600 francs. Le revenu net du domaine agricole belge était en 1846 de 155 millions, ce qui fait par hectare productif une moyenne de 75 francs, et de 59 francs si on prend la surface totale du pays. Pour la même époque. M. de Lavergne n’estimait la rente moyenne par hectare qu’à 30 francs pour la France, à 40 francs pour le royaume-uni, et à 60 francs pour l’Angleterre considérée isolément. En comparant ces chiffres divers, il ne faut pas oublier qu’on se contente en Belgique, pour les immeubles, d’un intérêt moindre qu’en Angleterre, c’est-à-dire que la terre s’y vend plus cher relativement au revenu qu’elle donne. Cela tient à des causes diverses, dont les plus apparentes sont d’abord l’activité commerciale de l’Angleterre, qui, ouvrant sans cesse sur tous les points du globe des placemens nouveaux et avantageux, détourne le capital des placemens en biens-fonds, — puis les difficultés, les frais, les risques, qui accompagnent l’acquisition d’une propriété foncière dans un pays où il n’y a eu jusqu’à ce jour ni enregistrement, ni transcription, ni garantie publique d’aucune sorte pour l’acheteur.

Ce qui frappe surtout en Belgique quand on étudie les faits réunis dans les publications officielles, c’est la hausse constante et rapide des fermages. Depuis 1830 jusqu’en 1846, ils s’élèvent de 30 pour 100, c’est-à-dire de près de 2 pour 100 par an, et depuis 1846 l’augmentation, loin de se ralentir, s’est plutôt accélérée, surtout dans certaines régions nouvellement réunies par des chemins de fer aux grands centres de consommation, comme le Luxembourg et l’Entre-Sambre-et-Meuse, ou enrichies par le développement progressif de l’industrie, comme le Hainaut. Cet accroissement rapide de la valeur du fonds compense le faible intérêt que donne ce genre de placemens, car on a calculé qu’en ajoutant à la rente la plus-value annuelle des terres, le capital foncier donnait un revenu moyen de près de 4 pour 100. Cette augmentation constante du revenu et de la valeur de toutes les terres semble démontrer clairement l’erreur de