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montrent pas plus sévères à cet égard. Ils admettent à la saillie de leurs étalons les jumens évidemment poussives qu’on leur amène tout comme celles dont les organes respiratoires sont en parfait état, et cependant plus tard l’état achètera pour sa cavalerie une partie des chevaux qui proviennent de ces regrettables accouplemens!

On demandera peut-être enfin ce que devient dans sa vieillesse extrême le cheval d’agriculture. Les bêtes bovines et ovines ont l’abattoir pour dernière étape, et elles s’y rendent avant qu’arrive la vieillesse proprement dite, car leur valeur comme bêtes de boucherie perdrait à attendre aussi tard. Quant au cheval, dont on abuse trop souvent au point de le faire vieillir avant l’âge, on le laisse sous le harnais aussi longtemps que possible. Presque jamais le clos d’équarrissage ne s’ouvre pour lui sans avoir été comme annoncé par de cruelles épreuves. L’homme, dont la fièvre des temps modernes abrège les jours, ne laisse ni vieillir les bêtes qu’il peut avoir intérêt à tuer jeunes, ni se reposer et mourir tranquilles celles dont il utilise l’énergie à son service.

La population chevaline de la France dépasse sans doute le chiffre de 3 millions de têtes; sa population asine ne s’élève pas à 500,000, et nos échanges avec l’étranger se bornent, pour les animaux de cette dernière espèce, à des chiffres également assez faibles. De 1827 à 1856, nous avons exporté 29,330 ânes seulement, et nous en avons importé 40,860. La Provence, certaines parties du Languedoc, de la Guienne et de la Gascogne, le Béarn, le Roussillon, utilisent beaucoup de bêtes asines. L’Ile-de-France et ses environs entretiennent aussi une quantité considérable d’ânes qui rendent d’inappréciables services aux habitans de ces laborieuses contrées. C’est même là que l’on en pourrait sans doute compter le plus grand nombre. Chez les propriétaires de certains pays viticoles, mais non point partout, l’emploi de l’âne est rendu commun par la nature des travaux que la vigne exige et par la situation des terrains qu’elle occupe. Dans nos villes enfin, l’humble animal traîne la voiture que nécessite l’exercice d’une modeste industrie, et sa femelle, qui sert déjà de laitière à certaines contrées du midi, fournit aux malades assez riches pour le payer un lait que l’on dit n’être pas sans vertu. Quant au nord-est, dont le climat est si rude, quant à la Bretagne, dont certains chevaux sont si petits que leur nourriture ne coûte guère plus que celle des ânes, ils ne possèdent que très peu de ces animaux.

L’étonnante sobriété de l’âne et la vigueur de sa santé, dès qu’il a échappé aux mauvaises influences que le froid exerce sur lui pendant sa jeunesse, le destinaient tout spécialement à devenir la bête du pauvre. Plusieurs causes ont également contribué à faire relé-