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état d’embonpoint, quelle ressource alimentaire obtiendrait-on de notre population chevaline? — Des bêtes malades ou de vieilles rosses étiques, sur les os desquelles se trouveront encore quelques fibres coriaces. On ne peut guère, convenons-en, compter sur cela pour un approvisionnement de sérieuse importance, et nous persistons à croire qu’il a été fait à ce sujet plus de bruit qu’il n’était utile. Les bêtes bovines, ovines et porcines sont et resteront sans doute toujours chargées de subvenir à notre alimentation. Avant de les abattre, on les soumet d’ordinaire à un régime préparatoire, l’engraissement, qui a pour but d’augmenter la quantité et la qualité de leur chair. Toutes cependant ne sont pas également faciles à engraisser. Nous avons déjà signalé quelques-uns des signes auxquels on reconnaît les bêtes qui sont les plus aptes à bien prendre la graisse. Celles qui sont malades, trop jeunes ou trop vieilles, celles enfin qui ont les goûts dépravés coûtent presque toujours à engraisser plus cher qu’elles ne vaudront jamais. Il convient, pour que les résultats du traitement suivi laissent au cultivateur des bénéfices notables, que l’animal ait fini ou presque fini sa croissance, et ne subisse aucune influence qui s’oppose à la prompte assimilation des alimens. En général il faut préférer, dans les races ordinaires, pour l’espèce bovine, des bêtes de quatre ou cinq ans à huit ou dix au plus, pour l’espèce ovine des bêtes de trois à cinq ans, et pour l’espèce porcine celles de un an et demi à quatre ans. Conformément au proverbe selon lequel « qui dort dîne, » tout ce qui peut contribuer au calme moral et physique sert à hâter l’engraissement, par conséquent à le rendre plus économique. Le repos, l’obscurité, l’absence du bruit, la grande régularité des repas, l’abondance de la litière, la castration quand elle remonte à une époque assez éloignée, etc., aident donc à l’engraissement des animaux en apaisant tous leurs organes[1]. Pour la même raison, l’été à cause des insectes et des chaleurs excessives, l’hiver à cause des grands froids, ne sont pas des époques favorables. Afin de prédisposer les fibres des bêtes à une plus grande mollesse, on leur assure une chaleur modérée et légèrement humide; on débute par des boissons farineuses ou des fourrages verts, parfois on va jusqu’à les saigner, parfois on les panse à la main pour faciliter les fonctions de la peau. La propreté des auges, la fréquence des repas, la variété des alimens, l’emploi opportun des condimens qui peuvent exciter l’appétit et des substances qui contiennent une forte proportion de parties grasses, tels sont les moyens auxquels on a recours avec le plus d’avantage. Dans ces conditions, il faut, pour

  1. On a même quelquefois aveuglé des animaux ; en tout cas, on les isole autant que possible, et l’on cite quelques bons résultats obtenus par l’emploi de certains narcotiques.