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rarement dans les bergeries des races améliorées. Le bien même a ses bornes, qu’il ne doit pas franchir sous peine de cesser d’être le bien.

Parfois cependant ni la sélection ni le croisement ne peuvent suffire, et le parti le plus sage et le plus radical tout ensemble consiste dans la substitution complète d’une race à une autre. C’est ainsi que la Bretagne se voit envahie au sud par la race parthenaise et au nord par la race normande, au fur et à mesure que ses progrès agricoles lui permettent l’entretien de bêtes bovines plus fortes que ses anciennes petites vaches. Un tel procédé présente l’avantage d’être aussi expéditif que possible. Il n’y a là ni tâtonnemens ni délais; mais une semblable mesure n’est point partout praticable. En tout cas, il suffit de la signaler, car, dès que l’opération est accomplie, on rentre dans les conditions ordinaires des éleveurs qui préfèrent conserver leurs races particulières, et l’on n’a plus ensuite à marcher que par voie de sélection.


III. — ENTRETIEN ET ENGRAISSEMENT DES ANIMAUX DOMESTIQUES.

Accoupler les animaux domestiques avec assez d’intelligence pour que leurs produits apportent en naissant toute l’aptitude désirable à bien remplir l’emploi auquel on les destine, ce n’est pour le cultivateur que le commencement de sa tâche. À peine le jeune animal est-il né, qu’il faut déjà s’en occuper attentivement et agir sur son moral, s’il est permis de parler ainsi, en même temps que sur son physique, par tous les moyens dont on dispose. Les bêtes ont des passions, des tendresses et des antipathies comme les hommes. Pourquoi donc les faire souffrir, les irriter sans motif? Leurs membres sont, comme les nôtres, sensibles à la jouissance et à la douleur; pourquoi donc ne point leur procurer toutes les satisfactions raisonnables? pourquoi n’agir pas toujours avec douceur, si la douceur suffit, et n’avoir pas pour leur bien-être corporel les diverses précautions que réclame une sage hygiène?

Aussi l’air et la chaleur, surtout pour les jeunes animaux, l’exercice, les soins de propreté, qui manquent si souvent dans les campagnes aux gens et au bétail, devront être accordés aux bêtes dans une proportion convenable, car aucune de ces conditions de vie ne peut être indifférente. Elles deviennent au contraire plus nécessaires depuis que nous soumettons davantage le bétail à une captivité constante et à une nourriture dont l’abondance ne compense pas toujours la fâcheuse uniformité. Les prairies artificielles, que nos progrès agricoles étendent si rapidement, ne remplacent pas sous tous les rapports la grande variété d’alimens que des pâtu-