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voir. Iturbide jouissait d’une popularité immense d’un bout à l’autre du Mexique, et dans l’ivresse qu’inspirent toujours les acclamations de la foule il devait être tenté d’user et d’abuser des grands pouvoirs dont il avait été aussitôt investi, et dont l’exercice lui était peu familier. Il s’ensuivit qu’il fut bientôt en désaccord avec le congrès qui s’était réuni, afin de constituer le pays, aux termes mêmes du plan d’Iguala. Travaillée par les Anglo-Américains, qui avaient organisé dans le pays des loges maçonniques, celles des Yorkinos[1], où l’on était pour la démocratie, frappée d’ailleurs de la prospérité que le système républicain avait procurée aux États-Unis, cette assemblée était de moins en moins favorable au régime monarchique, pour lequel le personnage le plus nécessaire, le monarque, faisait défaut. Par l’effet de la lutte qui existait entre le congrès et lui, et sous l’influence des discussions animées qui avaient lieu dans le public sur les avantages respectifs de la monarchie et de la république, Iturbide, de la position de champion du régime monarchique, passa à celle de candidat à la couronne. Le texte de la convention de Cordova lui permettait ces hautes visées. Un parti nombreux se mit à l’y pousser. Selon le témoignage de M. Lucas Alaman, le haut clergé, redoutant les principes qui dominaient dans le congrès, lui était favorable. Des menaces proférées contre sa vie, et enfin une conspiration, dont l’objet était de l’assassiner, eurent un résultat semblable à celui qu’avaient déterminé en France la machine infernale et les complots de George, Moreau et Pichegru. Le zèle de ses partisans en fut redoublé, et lui-même fut mis en demeure de se prononcer.

Dans la soirée du 18 mai 1822, des soldats, guidés par un sous-officier, parcoururent la ville au cri de vive Augustin Ier ! La multitude acclama. Le lendemain matin, le congrès fut envahi, et dut délibérer sous les regards impatiens des tribunes, que remplissait une foule ardente. Iturbide, appelé à assister à la délibération, s’y était rendu, et ne la quitta pas un instant. Quelques députés essayèrent de faire prévaloir des moyens dilatoires, et par exemple de faire décréter qu’on demanderait des pouvoirs aux provinces. Ce fut en vain. A la fin, 71 voix contre 15 décernèrent la couronne impériale à Iturbide. L’empire était institué. Une cérémonie splendide pour le couronnement de l’empereur et de l’impératrice, et dans laquelle on copia autant qu’on le put le sacre de Napoléon L’et de l’impératrice Joséphine en 1804, charma la population de la capitale, avide de spectacles. On organisa une cour nombreuse, où l’étiquette déployait ses exigences et son faste. J’ai rencontré à Mexico, en 1835, un tapissier français qui était allé proposer à Iturbide,

  1. D’après le nom de la ville de New-York.